Geneviève Tellier, chroniqueuse – Francopresse
Une affirmation que le chef Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a répétée ad nauseam lors de son point de presse de la première semaine de septembre.
Sa décision aura pour conséquence immédiate d’ouvrir la voie à la multiplication des motions de censure contre le gouvernement dès la rentrée parlementaire, le 16 septembre. Des motions dont l’issue du vote n’est plus facilement prévisible : le gouvernement tombera-t-il ou pourra-t-il se maintenir au pouvoir ?
Cette incertitude s’explique par le fait que chacun des partis aux Communes se demandera, lors de chaque vote, s’il a plus à gagner ou à perdre en provoquant des élections.
Précisons que les trois partis d’opposition – le Parti conservateur, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique – doivent tous voter contre le gouvernement minoritaire actuel pour le renverser.
Tous les partis politiques vont donc agir comme si la campagne électorale était déjà officiellement lancée.
Surveillez les sondages
En ce moment, les sondages indiquent que seul le Parti conservateur peut s’en tirer avantageusement si des élections avaient lieu maintenant.
Les sondeurs prédisent même une hausse substantielle du nombre de sièges conservateurs à la Chambre des communes. Ce parti réussirait à former un gouvernement majoritaire sans aucune difficulté.
Les sondages laissent aussi entrevoir que le Bloc québécois tirerait bien son épingle du jeu si une élection était déclenchée ces jours-ci. Le nombre de sièges bloquistes pourrait même augmenter à la Chambre des communes. Le phénomène d’engouement que l’on observe partout ailleurs au Canada pour le Parti conservateur ne se produit pas au Québec.
Toutefois, même s’il pouvait compter sur un plus grand nombre de députés, le Bloc québécois perdrait beaucoup d’influence si le prochain gouvernement était majoritaire. Ce qui risque de se produire, si les prévisions des sondages se confirment.
En conséquence, le Bloc québécois y réfléchira certainement à deux fois quand il devra indiquer en chambre s’il appuie ou non les libéraux.
Quant aux libéraux et aux néodémocrates, les deux partis se trouvent dans une position plus que difficile. Actuellement, aucun ne peut espérer former le prochain gouvernement et rien n’indique que les choses vont changer dans un avenir proche.
Depuis maintenant un an, les sondages montrent les uns après les autres que les intentions de vote sont en baisse constante pour les libéraux, alors qu’elles font du surplace pour les néodémocrates.
Ainsi, si les choses ne bougent pas sur le plan des intentions de vote, peut-on raisonnablement penser que le gouvernement libéral survirera aux motions de censure ?
La réponse à cette question est fort probablement oui, il survivra encore quelque temps.
Toutefois, les choses pourraient changer. C’est du moins ce qu’espère de tout coeur le chef néodémocrate.
Lorsque Jagmeet Singh «déchire», selon ses propres mots, l’entente avec les libéraux, lorsqu’il justifie sa décision par le biais d’une vidéo qui a toutes les allures d’une publicité de campagne électorale, lorsqu’il hausse le ton et les attaques personnelles envers Justin Trudeau et Pierre Poilievre, il tente de brasser la cage.
Une bonne tactique ?
Cette stratégie que Pierre Poilievre utilise lui-même l’a certainement déjà servi. À vrai dire, on peut se demander si, justement, Jagmeet Singh ne s’est pas inspiré des conservateurs en se lançant dans les attaques personnelles contre Justin Trudeau, le traitant notamment de «faible», «d’égoïste» et «d’ami des ultrariches».
Mais ce qui peut produire de bons résultats dans certains cas peut ne pas fonctionner dans d’autres. Le style abrasif de Pierre Poilievre plait à un certain groupe d’électeurs naturellement plus enclins à voter pour les conservateurs.
La même recette ne fonctionnera probablement pas aussi bien pour les néodémocrates. Beaucoup de Canadiens n’aiment pas les campagnes électorales négatives. Celles-ci pourraient même en inciter à ne pas voter, ce qui n’aiderait certainement pas la cause des néodémocrates.
Par ailleurs, beaucoup de Canadiens veulent aussi connaitre les propositions des partis politiques. C’est une chose de dire que ça va mal, ça en est une autre de proposer des solutions convaincantes. Les attaques personnelles ne suffisent pas.
Le NPD saura-t-il convaincre les électeurs que ses propositions sont meilleures que celles des autres partis politiques ?
C’est ce qu’il espère, bien évidemment, mais la tâche sera difficile.
Les pieds dans le sable
En fait, le NPD est dans une position délicate. Étant le parti politique fédéral le plus à gauche (j’exclus le Parti vert qui n’est plus réellement dans la course), il peut difficilement se redéfinir.
Se positionner encore plus à gauche, c’est risquer de perdre des appuis, surtout dans un contexte où la santé des finances publiques commence à préoccuper de plus en plus de gens.
S’il se repositionne plus au centre, alors il devra convaincre l’électorat qu’il n’est pas le Parti libéral, ce qui ne serait pas chose aisée. Faut-il rappeler la campagne électorale de 2015 ? C’est exactement ce qu’avaient fait les néodémocrates, alors dirigés par Thomas Mulcair. Cela avait grandement contribué à la victoire libérale.
Il ne faut donc pas s’étonner si Jagmeet Singh cherche maintenant à présenter Justin Trudeau et le Parti libéral comme étant à droite, voire très à droite. C’est en fait la seule porte de sortie pour le NPD.
Ce sera même le principal message que l’on entendra de la part de Jagmeet Singh au cours des prochaines semaines, des prochains mois. Parce que la campagne électorale est déjà commencée.
Reste à savoir maintenant si les électeurs le croiront, car le Parti libéral a bien montré, au cours des neuf dernières années, qu’il n’était pas un parti de droite.