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le Mercredi 7 juin 2023 14:41 | mis à jour le 19 août 2024 20:42 Actualités

Dans le temps comme dans le temps : Un jeune missionnaire anglican à Hearst en 1914

Dans le temps comme dans le temps : Un jeune missionnaire anglican à Hearst en 1914
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En faisant de la recherche, on trouve quelquefois un bijou, une aiguille dans une botte de foin. Cet article, qui a paru dans le journal The Canadian Churchman en 1914 est en fait un bijou.

C’est l’un des rares récits racontés par quelqu’un qui a vécu le feu de 1914 ainsi que la vie journalière des pionniers du temps. Ça fait certainement partie de notre histoire. Il s’agit d’un étudiant, J. J. Callan, nouvellement gradué du College Wycliffe (Église anglicane) de Toronto, qui a été envoyé en mission à Hearst dans le nord de la province, en 1914, pour l’été. Je résume quelque peu le contenu de son article.

The Canadian Churchman Vol. 41, No. 51, décembre 17, 1914, J. J. Callan, Wycliffe College, Toronto Ont. (Dominion Churchman and Church Evangelist)

A Fire-Swept Village in Northern Ontario by J. J. Callan, Wycliffe College

P. 821 – Cette année, M. Callan a été placé dans un petit village pionnier, Hearst, dans le Nord de l’Ontario. Hearst se trouve à l’ouest de Cochrane. Cette région entière était inhabitée, à l’exception de quelques personnes des Premières Nations, avant l’arrivée du chemin de fer National Transcontinental. Aujourd’hui (1914), le chemin de fer permet à toute une gamme de travailleurs de différentes nationalités d’y accéder, et cette « ceinture argileuse » qui est recouverte d’arbres est en train de se peupler rapidement.

J.J. Callan raconte : (traduit par Serge Morissette)

Je suis parti de Toronto au printemps alors que les crocus chantaient la gaité du printemps et je suis arrivé à Hearst dans la neige jusqu’aux genoux. L’église est une petite cabane de 16 pieds par 36 pieds au milieu d’une clairière dans le bois. Pataugeant tant bien que mal dans la neige au milieu des souches noircies, je me rends à la porte d’entrée : le plancher à l’intérieur est recouvert de copeaux, de bouts de bois et d’outils. Avant de souper, il faut construire une table et un banc pour s’assoir, réparer le poêle à bois et tout préparer. Après le souper je dois marteler, raboter et scier jusqu’à la noirceur. Cette nuit-là et pour une semaine après, je dois dormir couché sur le plancher entouré d’une couverture alors que le vent glacé perce les murs et menace de me geler sur place. Nous balayons les copeaux, ensuite nous construisons un sentier jusqu’au chemin tout en marchant dans l’eau (neige pourrite) jusqu’aux genoux et il faut encore enlever les souches d’arbres.

Toutes les tribus et nations de l’Europe sont représentées dans cette région ainsi que lors de nos services religieux : catholiques romains, luthériens, baptistes, méthodistes, presbytériens, orthodoxes grecs en plus des anglicans et de quelques socialistes. Il n’y a aucun autre site religieux pour près de 150 milles à l’est et 250 milles à l’ouest. Nous n’avons aucun instrument musical lors de nos services religieux. Un des colons a offert de jouer du violon, mais il jouait tellement mal que nous avons dû le remercier. Le chant est acceptable : une ou deux personnes chantent et les autres essaient avec enthousiasme. Nous offrons des services religieux au complet. Les membres de la congrégation s’assoient sur des boites en bois. Mon prie-Dieu est une boite à lait vide recouverte de papier blanc. Le quartier général de Toronto nous a promis des chaises. Je demande à mes amis de nous envoyer des livres de prières et de cantiques. Je fais tout par moi-même à partir de la cuisine jusqu’à repasser mes collets d’habits, ce n’est pas aussi difficile qu’on le croirait. Tout autour de l’église, on retrouve des souches d’arbres carbonisées et noircies par des feux antérieurs. Elles sont couvertes d’une mousse qui peut prendre feu par une seule étincelle, ce qui veut dire que nous devons les enlever si nous ne voulons pas passer aux brulots. Nous n’avons pas encore assez de fonds pour embaucher quelqu’un pour les enlever, donc je dois le faire moi-même. Dans un premier temps, je creuse dans la mousse gelée jusqu’aux racines que je coupe avec vigueur. Je tente ensuite de lever la souche, mais elle ne bouge pas. Je la martèle, la coupe, la pelte, mais rien ne va, elle est gelée au sol. Voilà que je répète ma performance avec une autre souche, la vlimeuse se case en deux et je me retrouve assis en plein milieu d’un bain d’eau de neige avec un morceau de souche entre les mains. Je dois attendre que la terre dégèle. Les souches, pour moi, sont méchantes et elles me causent des cauchemars. Les gens aiment beaucoup leur petite église. Il n’y a pas beaucoup d’autres choses à faire dans le village. C’est devenu un rituel d’amener les visiteurs aux services religieux le dimanche. Des colons de plusieurs milles à la ronde viennent passer le dimanche au village et assistent à la cérémonie religieuse le soir même.

Dimanche dernier, nous avions au moins six hommes pour chaque femme au service religieux. C’est toujours plus difficile de convaincre les hommes d’assister, mais je visite les camps et les stations, je joue au tennis, je boxe, je discute avec eux et je les apprivoise de cette façon. Les hommes surveillent leur langage lorsque le pasteur est autour. Je veux recruter les plus durs et les plus démunis du village. Hearst est un petit village, mais on prédit un avenir prospère : l’opinion universelle est que le Nord de l’Ontario est la région du futur. Plusieurs colons arrivent de l’ouest du Canada. Il y a beaucoup de travail, des camps partout et des colons sur plusieurs milles à la ronde. Il y a aussi des tribus de Premières Nations qui sont déjà généralement christianisées. L’évêque Anglican Anderson est venu offrir un service religieux dans la langue Ojibway. P. 822 – Notre petite église à Hearst est très importante pour les gens de la place. Construite avec beaucoup de peine et de misère (et surtout de prières), elle fait partie intégrale de la communauté. Elle représente une oasis spirituelle où les hommes et les femmes peuvent oublier l’atmosphère néfaste d’un village isolé et la corvée d’une bataille continuelle contre les forces de la nature.

Le 14 juillet, nous subissons un terrible feu de forêt et de broussailles qui détruit tout devant lui. Nous combattons pendant des heures avec la peau pleine d’ampoules, les yeux brulants et les poumons étouffés. Juste au point où nous croyons que nous l’avons vaincu, une grande bourrasque de vent s’amène sur nous. Tout autour de nous explose en flammes et avant même la venue de la noirceur le petit village prospère et en croissance est rasé. Il ne reste que trois bâtiments. Notre petite église a été la première à disparaitre. Heureusement, personne n’a perdu la vie. Le train a amené les femmes et les enfants hors du danger, mais la perte monétaire est considérable. Déjà, cependant, on érige des tentes et des cabanes en bois ici et là et les gens reviennent tranquillement reprendre la lutte contre les obstacles de la vie. La congrégation ne doit pas se disperser, l’Église doit 160 $ à l’évêque et 60 $ pour autres services rendus. J’ai fait venir une grande tente dans laquelle nous aurons les services religieux pour le reste de l’été, nous avons cependant besoin d’un bâtiment pour l’hiver.

L’éditeur du journal The Canadian Churchman annonce à la fin de l’article qu’un bon samaritain a promis de construire une nouvelle petite église à Hearst.