Les données de ce récit proviennent du texte Gérard « King » Bégin Autobiography, Kelowna, British Columbia, July 1998.
Georges Bégin, né le 22 juin 1907 à Pintendre (Lévis), arrive à Hearst en 1927-1928 pour rejoindre sa sœur Hélène (épouse de Michel Hallé) et ses quatre frères : Jules, Ernest, Édelbert et Télesphore. Adèle Rondeau est née à Sturgeon Falls le 21 novembre 1908. La famille de Hermas et Joséphine Rondeau arrive à Hearst en novembre 1922.
Georges Bégin épouse Adèle Rondeau le 10 aout 1931. Ils ont six enfants : Maurice, Conrad, Mona, Gérard, Laurette et Claudette. En 1937, Georges et Adèle Bégin achètent la maison de M. Côté, le maitre de poste en 1937. Gérard vient au monde en cette même année, soit le 5 juillet 1937. Lorsqu’il commence à parler, il répète continuellement un mot qui ressemble à « king ». Son père, Georges, commence alors à l’appeler « King ». Tous les gens qui le connaissent font de même.
Il y a très peu d’argent et de travail dans le temps. Georges cherche donc de l’emploi là où il peut en trouver afin de nourrir sa famille. Il est un touche-à-tout (Jack of all trades) qui boulonne pendant un certain temps à la quincaillerie de Vital Brisson et pour la Maison funéraire Charles Guénette à Kapuskasing. Il travaille aussi comme ouvrier et sur l’autoroute 11 de Hearst à Geraldton en 1941. Il passe ensuite aux épiceries Ainsley Market, Jules Camiré, Édelbert Bégin, Blais Supermarket ainsi qu’au magasin en gros Mercier & Shirley. Finalement, il est embauché comme surveillant de nuit chez Levesque Plywood pendant quelques années avant de prendre sa retraite. Les enfants apprennent à manger ce qu’il y a sur la table : quelquefois, il n’y a que du pain, des biscuits salés avec des confitures ou du beurre d’arachides ou même des sandwiches aux ognons avec concombres.
À Noël, les cadeaux sont rares. Une orange et quelques bonbons dans un bas de Noël rendent les enfants heureux. Toute la famille participe à la messe de minuit. Après la messe, il faut marcher trois kilomètres afin de se rendre à la ferme de l’oncle Jules pour le réveillon de Noël. Georges n’a pas d’automobile ni de chevaux. Les quatre frères participent avec leur famille. Le lendemain, ils ont un souper en famille. Adèle fait toute sa nourriture à partir de zéro.
Durant la guerre, au début des années 40, il n’est pas facile de se procurer du sucre, du beurre et du lait. On mange les rôtis sans beurre, Adèle fait son propre pain. Ils ne manquent pas de farine et les voisins sont toujours prêts à partager. Tout le monde s’entraide. On emprunte les uns des autres et on s’assure de remettre ce qu’on a emprunté. Le matin, on mange toujours du gruau ; King a 14 ans lorsqu’il mange des céréales avec bananes pour la première fois.
Les oncles Ernest, Édelbert et Télesphore sont des fermiers. En automne, les enfants de Georges aident leurs oncles lors de la cueillette des patates, choux, carottes et autres. En retour, ils reçoivent des légumes et de la viande. Georges connait aussi le métier de la boucherie. En fin de semaine, il aide son frère Ernest à abattre des cochons. Avec le sang des cochons, la tante Antonia fait du boudin, un mets populaire dans le temps.
À la maison, chaque enfant à des tâches pour aider les parents. Puisque la maison est chauffée au bois, les garçons doivent couper le bois et l’entreposer dans le garage. Le bois est généralement en rondins de quatre pieds. Il faut donc couper les rondins en buches avec une scie à main (bucksaw) et ensuite couper les buches avec la hache en morceaux assez petits pour le poêle. Il ne faut pas oublier que le bois vert (ou humide) ne brule pas bien. King doit utiliser la bécosse jusqu’à l’âge de 11-12 ans. Laissez-moi vous dire que ce n’est pas trop tentant de baisser son pantalon lorsque la température est à moins 30 ou moins 40, pour ensuite s’essuyer avec des feuilles du catalogue Eaton.
Lorsqu’ils atteignent l’âge scolaire, les enfants vont tous à l’école séparée catholique. King admet qu’il n’aime pas beaucoup les sœurs, car il reçoit le martinet assez souvent. À l’âge de 8 ans, il devient enfant de chœur. Il doit se rendre au sous-sol pour mettre la soutane. C’est aussi là que se trouve le baril de vin de messe et il en prend quelques gouttes à chaque messe.
Les voisins sont les familles Mitchell, Hind, Sharp, Achilles, McEachern, Gélineau et Boucher. Chaque hiver, ils jouent au hockey dans la rue, les Français contre les Anglais, mais il n’y a pas de chicane. À la maison, les garçons écoutent la soirée du hockey avec leur père tous les samedis soir. Quand ils ont la chance, ils vont voir les adultes jouer au hockey sur la patinoire communautaire (il n’y a pas de centre communautaire encore). Lorsque les joueurs brisent leur hockey, ils le lancent dans la boite à punition et les jeunes se débattent pour avoir les morceaux. De retour chez lui, King colle les morceaux ensemble en y ajoutant quelques clous s’il le faut.
Pendant l’hiver, il y a un carnaval. C’est une sortie de famille et la plupart des gens participent. King gagne habituellement deux ou trois courses et on lui remet un hotdog lorsqu’il gagne une course. Ceci est un régal pour lui puisqu’il en mange très rarement à la maison. Le père Georges invite souvent des amis à venir prendre un verre de bière ou de vin à la maison, mais la mère Adèle n’aime pas cela.
Lorsque King est encore jeune, il remarque que sa mère doit faire fondre de la neige dans une cuve pour laver le linge et les vêtements. Il faut qu’elle remplisse la cuve à plusieurs reprises afin d’avoir assez d’eau pour laver. Elle place ensuite les vêtements sur la corde à linge dehors et en peu de temps ceux-ci deviennent durs comme de la roche.
Lorsqu’il a environ 9 ans, King décide de se construire une boite de cirage de chaussures. Son projet fonctionne très bien puisqu’il se place juste entre l’hôtel Queen’s et le magasin A.C. Smith. Il y a beaucoup de va-et-vient à l’hôtel. Il demande 25 sous pour chaque cirage.
À l’âge de 10 ou 11 ans, King et ses amis se rendent à la rivière tout près de la station de pompage pour se baigner. Non loin du rivage se trouve une roche que les jeunes utilisent régulièrement pour plonger. En faisant le tour de la roche, King place un pied dans un trou et disparait sous l’eau. King est sur le point de disparaitre une troisième fois, il avale de l’eau et ne peut plus respirer lorsque Bob Gélineau l’accroche et le ramène à la roche pour qu’il puisse reprendre sa respiration.
En 1951, le docteur annonce à Georges qu’il a la tuberculose. Il l’envoie à l’hôpital de Haileybury, Ontario. La famille perd ainsi pendant trois ou quatre mois la seule personne qui a un travail régulier pour payer la nourriture requise. Les oncles s’assurent que la famille a assez de provisions. Les gens leur offrent continuellement des vêtements et Adèle coud des pantalons, des robes, etc. C’est une période très difficile à passer sans un sou, mais la famille réussit à s’en sortir avec l’aide de la parenté et des gens de Hearst. (Partie 2 la semaine prochaine.)