le Samedi 2 novembre 2024
le Mardi 8 octobre 2024 8:00 Chroniques

Les écoles résidentielles du Canada et la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation

La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation célébrée le 30 septembre est un jour solennel au Canada. Cette journée est dédiée à la commémoration des enfants autochtones disparus et des survivants des pensionnats autochtones, ces écoles résidentielles qui ont joué un rôle tragique dans l’histoire du pays.
Les écoles résidentielles du Canada et la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation
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Elisabeth Labrie, professeure de psychologie à l’Université de Hearst et conjointe d’un homme autochtone.

Photo : Ndery Dione

La rencontre qui a eu lieu avec Elisabeth Labrie, professeure de psychologie à l’Université de Hearst et conjointe d’un homme autochtone, va permettre de mieux comprendre les séquelles profondes laissées par ces institutions, ainsi que le long chemin vers la réconciliation. 

Elisabeth Labrie 

Selon Elisabeth Labrie, ces enfants recevaient une éducation extrêmement déficiente. Les enseignants n’étaient ni formés ni qualifiés pour enseigner aux enfants autochtones. En plus de cela, le matériel pédagogique provenait d’une culture complètement différente de celle des élèves, créant ainsi un fossé énorme entre ce qui était enseigné et ce que les enfants pouvaient comprendre. La langue était également une barrière infranchissable pour beaucoup d’entre eux.

« Les leçons étaient données dans une langue étrangère, souvent l’anglais ou le français, alors que les enfants parlaient des langues autochtones », explique-t-elle. 

Les pensionnats autochtones, également appelés « écoles résidentielles » ou « pensionnats indiens », étaient des institutions créées dans le cadre de la politique d’assimilation des peuples autochtones par le gouvernement canadien et les Églises chrétiennes. Leur but était « d’éduquer », d’évangéliser et d’assimiler les enfants autochtones à la culture occidentale dominante. Entre 1831 et 1996, beaucoup d’enfants autochtones ont été arrachés à leur famille et placés dans ces écoles. 

Autres que l’éducation lacunaire, les pensionnats étaient aussi des lieux de maltraitance. Elisabeth Labrie évoque les traitements inhumains réservés à de nombreux élèves.

« Certains enfants étaient enchainés, séquestrés, battus », déplore-t-elle.

Les punitions physiques et psychologiques étaient monnaie courante, et beaucoup d’élèves ont souffert de traumatismes durables. Cette violence et cette oppression ont eu des répercussions qui perdurent encore aujourd’hui dans les communautés autochtones. 

Mila Cloutier, EliaRose Falardeau, Lauraly Lachance, Lohranne Laplante 

Photo : École catholique Pavillon Notre-Dame

Le 30 septembre, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, est un moment de commémoration pour ces enfants disparus et les survivants. Ce jour est également marqué par la Journée du chandail orange, symbole poignant de la dépossession de la culture, de la liberté et de l’estime de soi des enfants autochtones. Le chandail orange tire son origine de l’histoire de Phyllis Webstad, une survivante des pensionnats, qui s’était fait confisquer un chandail orange qu’elle avait reçu de sa grand-mère lorsqu’elle est entrée dans l’un de ces établissements.  

Elisabeth Labrie souligne l’importance de cette journée, non seulement pour les communautés autochtones, mais pour l’ensemble de la société canadienne.

« C’est un jour pour se souvenir des enfants qui ne sont jamais rentrés chez eux et pour réfléchir aux séquelles durables des pensionnats. »

Elle ajoute que des évènements de commémoration se sont déroulés dans des communautés comme Timmins et Kapuskasing, et que des vidéos éducatives sont disponibles en ligne pour aider à mieux comprendre le contexte historique de cette journée. 

Pour Elisabeth Labrie, comprendre cette histoire et les souffrances des autochtones a toujours été une priorité. Originaire de Hearst, elle a obtenu son baccalauréat en sociologie à l’Université de Hearst et sa maitrise en sociologie à l’Université Laurentienne, où elle a pu approfondir sa compréhension des dynamiques sociales, notamment les questions de racisme et de discrimination. Ce qui l’a particulièrement marquée, c’est la façon dont les comportements discriminatoires sont intégrés dès l’enfance.

« Je me souviens, à l’école secondaire, de petites filles qui se moquaient des Autochtones, avec des comportements racistes et haineux », raconte-t-elle. « Cela m’a toujours dérangé et j’ai voulu comprendre d’où venaient ces jugements et ces préjugés. » 

Conjointe d’un homme autochtone et mère de deux enfants qui conservent leur statut de membre des Premières Nations, Mme Labrie est encore plus déterminée à sensibiliser les gens à ces questions. Elle encourage ses ados à être fiers de leur héritage et à ne jamais avoir honte de leur identité autochtone. « Je leur dis toujours de ne pas se laisser gouverner par la peur », confie-t-elle.

Selon Elisabeth Labrie, les défis auxquels sont confrontées les communautés autochtones aujourd’hui sont nombreux et complexes. « La pauvreté, les problèmes de logement, la consommation de substances et la violence interne sont des problématiques qui nécessitent une attention urgente », dit-elle. Ces problèmes sont souvent des conséquences directes des traumatismes intergénérationnels causés par les pensionnats et d’autres politiques coloniales. 

Cependant, elle reste optimiste quant à l’avenir. La réconciliation, bien que difficile, est possible, mais nécessite un engagement sincère de la part de tous les Canadiens. La vérité sur l’histoire des pensionnats doit être reconnue et enseignée pour que les générations futures puissent comprendre et éviter de répéter les erreurs du passé. 

Elisabeth Labrie considère cette journée comme étant un pas important dans cette direction.

« Il ne s’agit pas seulement de se souvenir, mais de s’engager à faire mieux », conclut-elle.

Alors que le Canada continue d’avancer sur ce chemin, les voix comme celles d’Elisabeth Labrie permettent de rappeler que la réconciliation commence par la reconnaissance de la vérité et par la volonté de changer. 

Bref, la réconciliation n’est pas un processus rapide ou simple. C’est un chemin long et ardu qui nécessite l’engagement de toute la société. La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation est un rappel que ce travail est loin d’être terminé, mais c’est aussi une occasion d’espérer un futur où les Autochtones et les non-Autochtones pourront coexister dans le respect et la compréhension mutuelle.