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le Mercredi 7 juin 2023 15:32 | mis à jour le 19 août 2024 20:42 Chez nous

L’intimidation : ça remonte à loin !

L’intimidation : ça remonte à loin !
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L’intimidation à l’école, ça ne date pas d’aujourd’hui ! François, le frère de ma mère, Simone Lecours Camiré, en a été victime il y a plus de 80 ans !

Vers l’âge de 12 ans, en 1940, François a commencé à perdre ses cheveux et, à 14 ou 15 ans, il était complètement chauve. Ses cheveux tombaient par plaques qui s’agrandissaient. Au début, ils repoussaient, puis la pousse a cessé. Il a également perdu ses sourcils et ses cils. Le Dr Aubin, que mes grands-parents ont consulté, disait qu’il avait la pelade, une maladie inflammatoire chronique. Les scientifiques ne savent pas ce qui peut être la cause de cette maladie ; elle peut être due aux facteurs suivants : une infection virale, l’hérédité — chez 20 % à 40 % des cas —, le stress, l’exposition à un produit chimique. François est le seul de la famille qui en a souffert. Le Dr Aubin lui avait dit : « Tu vas te faire appeler quatre poils. » On ne sait pas s’il voulait faire une farce, mais aucun membre de la famille n’avait ri de ce commentaire, qu’on avait considéré plutôt déplacé. François avait été très blessé par cette remarque, surtout que les élèves n’ont pas tardé à l’agacer en utilisant ce sobriquet. Ma grand-mère avait essayé divers produits qui devaient prétendument aider à la repousse, mais sans succès.

Même s’il réussissait très bien à l’école — il était doué, particulièrement en dessin, et aurait pu devenir architecte —, il a abandonné les études après sa 6e année, car les insultes des élèves le blessaient trop. Il n’y avait aucune aide psychologique à cette époque. Mes grands-parents l’ont appuyé dans sa décision et il est resté à la maison pendant deux ans. Il s’occupait des animaux et faisait boucherie ; il a également élevé des lapins et des abeilles. Il ne voulait voir personne. Quand des gens venaient à la maison, il allait se cacher dans la grange ou à l’étable. Il était déprimé et pleurait beaucoup. C’était comme s’il croyait que ce qui lui arrivait était de sa faute, que la pelade était une maladie honteuse. Son apparence physique était altérée et il en ressentait énormément de gêne. La famille se rendait compte des combats intérieurs qu’il menait, mais malgré le soutien que chacun tentait de lui prodiguer, il traversait seul cette épreuve. Vers l’âge de 18 ans, il a opté pour une perruque. À l’époque, les perruques n’étant pas comme celles d’aujourd’hui, c’était évident que les cheveux étaient artificiels. Après les deux années passées à la maison, François est parti travailler à Carey Lake avec son père, qui y avait construit son premier moulin trois ans auparavant (en 1939). Parallèlement à son travail, François suivait des cours par correspondance auprès de la compagnie Caterpillar, où A. Lecours and Sons achetait des tracteurs. Il a très bien réussi ses études et a obtenu un diplôme en mécanique. Il a également suivi des cours dans d’autres domaines. Après son décès en 1984, Maman avait trouvé, dans des papiers qui lui avaient appartenu, un certificat datant de 1973 attestant qu’il avait réussi avec une note de 97 % un cours du soir en comptabilité à l’école secondaire de Hearst. François occupait diverses fonctions au sein de l’entreprise de mon grand-père ; il voyait, entre autres choses, à la construction et à l’entretien des chemins dans les chantiers et à la réparation de la machinerie. Il l’a aussi aidé dans la construction du moulin et du planeur à Calstock. (En aout 1943, mon grand-père avait vendu le moulin de Carey Lake, à la suite du décès accidentel de son fils ainé, Adrien, survenu sur les chantiers en mars 1943. Il avait acheté des droits de coupe à Calstock, de la compagnie Arrow Timber, alors propriété américaine, et le mois suivant, il a construit une scierie sur les rives du lac Constance.) François avait également des talents innés pour l’ingénierie. En juillet 1980, il a été embauché comme contremaitre pour la construction de l’aéroport de Hearst. Au fil des ans, François a consulté des spécialistes à Toronto, à Montréal et même à Rochester pour sa calvitie, mais sans résultats. Certains médecins lui ont dit même qu’il perdait son temps et son argent, qu’il n’y avait rien à faire. Des remarques qui ne faisaient rien pour lui remonter le moral ! Alors qu’il était un enfant comme les autres, la maladie et les moqueries l’ont transformé en un adulte gêné et effacé. Il ne s’est jamais marié et avait peu d’amis, malgré le fait qu’il était affable et généreux. Ses deux amis d’enfance, Georges Labelle (dont la famille demeurait non loin de chez lui) et Jean-Louis Chartrand, ont maintenu des liens avec lui tout au cours de sa vie. Gérard Lacasse, qui travaillait avec lui à Calstock, où il était responsable de l’entretien de la chaudière (boiler), était également proche de lui, comme certains de ses frères, surtout Léon, Paul et Maurice. L’une des passions de François était la Bourse — un passetemps solitaire —, ce qui inquiétait grand-maman. Elle ne comprenait pas les rouages et croyait qu’il jouait avec son argent, un peu comme au casino. Elle craignait qu’il perde ce qu’il avait durement gagné. Mais je crois qu’il a fait plus d’argent qu’il en a perdu, car il était bien renseigné et n’agissait pas à la légère

François, âgé d’environ 15 ans, s’apprête à labourer un champ en vue d’y planter des patates.