On ne se fera pas manger la laine sur le dos ; Hearst a l’esprit d’entrepreneuriat, la débrouillardise et la créativité à revendre !
Depuis les années 1960, Hearst a perdu des gros morceaux lorsque les noms Selin, Fontaine, Lévesque, Gosselin et Newaygo ont disparu de l’enseigne des propriétaires de certaines industries pionnières. Non seulement ces gens vivaient avec nous dans le village, mais avec leurs familles ils participaient aux activités, ils dépensaient leur argent ici, ils payaient leurs taxes, ils commanditaient des évènements, ils s’intégraient aux organisations et, il ne faut pas l’oublier, ils étaient nos voisins. Ce n’était pas des multinationales, ils n’avaient que leur entreprise à Hearst et ils ont souvent encaissé de durs coups et des pertes afin de s’assurer que leur entreprise puisse continuer et que leur communauté souffre le moins possible. Hearst a passé des temps difficiles durant les dernières années, incluant la surtaxe américaine sur le bois, la baisse de demande de certains produits et la covid qui a été très dure sur l’industrie secondaire et sur les individus.
C’est en lisant régulièrement le journal Le Nord et en digérant la réaction des gens de Hearst que j’ai vite réalisé que ces gens n’avaient pas dit leur dernier mot et qu’ils n’étaient pas prêts à se faire manger la laine sur le dos. Ce n’est pas la première fois que Hearst fait face à des temps durs, mais encore une fois les gens se serrent les coudes et relèvent le défi : « Tiens-toi bien après les oreilles à papa, c’est pas fini ça ! »
Je liste certains exemples de créativité, de débrouillardise et d’entrepreneuriat que les gens de Hearst ont démontrés au courant des années. Je m’excuse pour toutes les entreprises que j’ai oubliées et des erreurs commises lors de la rédaction de cette liste.
1- Villeneuve Construction – Cette compagnie créée par Claude Villeneuve, avec l’appui de Ghislain Lacroix, a élargi sa gamme de produits depuis 1976 afin de desservir, en plus de la région de Hearst, tout le Nord de l’Ontario en établissant une réputation sans égal et en créant la plus grande compagnie de construction dans le Nord de l’Ontario.
2- La Distillerie Rheault – Marcel et Mireille Rheault ne se sont pas satisfaits de simplement distiller l’eau-de-vie et des liqueurs, mais la qualité de leurs produits leur a permis de gagner plusieurs prix aux niveaux provincial, fédéral et mondial.
3- L’Université de Hearst – Non seulement a-t-on réussi à créer une université française indépendante avec des campus à Kapuskasing et Timmins, mais on a aussi augmenté la population étudiante en recrutant dans des pays francophones comme la France, le Congo, la Tunisie, la Côte d’Ivoire. Il faut reconnaitre le travail de Mgr Louis Lévesque et Raymond Tremblay.
4- Lecours Lumber – Malgré les difficultés sur la surtaxe américaine et des négociations difficiles avec les Premières Nations de Calstock, les propriétaires possèdent maintenant la plus grande compagnie de bois indépendante de l’Ontario. Arthur Lecours, ses fils et petits-fils ont beaucoup fait pour la région de Hearst.
5- Parmi Elles – En 1983, l’Association Parmi Elles, un regroupement de femmes monoparentales, a décidé de se lancer dans la production des jeunes arbres pour le programme de plantation d’arbres du gouvernent provincial. Michelle Lamy et Manon Cyr ont continué à augmenter le nombre de serres de la compagnie ainsi que les services offerts. C’est un établissement unique en Ontario et même au Canada.
6- Les granules LacWood – Norman Lacroix de I.C.S. (Lacroix) Lumber Inc., propriétaire de LacWood, n’a pas attendu longtemps pour se lancer dans la bioéconomie. Les granules de bois LacWood sont produites à partir de matières propres provenant de l’usinage de bois de sciage récoltées selon les méthodes d’aménagement forestier durable. LacWood offre aussi la litière pour chevaux qui est produite strictement à partir de fibre de pin et d’épinette. C’est un produit naturel, organique et sécuritaire pour les chevaux et pour l’environnement. On retrouve des clients de LacWood en Ontario, au Québec, aux États-Unis et en Europe.
7- La Municipalité de Hearst – Face à la fermeture temporaire ou permanente de certaines industries dans le village, le maire Roger Sigouin et son conseil ont décidé de créer une ambiance particulière pour encourager les industries bioéconomiques à venir s’installer à Hearst. Les répercussions de cette décision commencent tranquillement à se faire ressentir avec la création d’industries basées sur la bioéconomie.
8- Hearst Connect – Suite aux problèmes d’Internet et de téléphone, on décide de former une corporation avec la Municipalité comme seule actionnaire. Depuis ce temps, cette corporation offre les services de téléphone et d’Internet rapide à la majeure partie de la communauté, et continue de grandir. Avec l’annonce que la compagnie de télévision par câble cesserait son service, Hearst Connect a rapidement négocié afin de prendre la relève.
9- Écomusée de Hearst – Laurent Vaillancourt et son équipe nous ont fait découvrir un tout nouveau concept de ce qu’est un musée. Sans sacrifier la tradition d’un édifice et des souvenirs tangibles du passé comme le démontrent la Maison Blais et les vestiges étalés dans ses salles, ils ont adopté une approche participative sur Facebook en encourageant les gens à compléter eux-mêmes l’histoire de la région en y ajoutant leurs photos et en racontant comment ils se sont intégrés au panorama de la région.
10- Les Éditions Cantinales, le journal et la Librairie Le Nord – Omer Cantin s’est avéré un visionnaire quant aux modes de transmission de la langue. Les Éditions Cantinales sont l’une des deux ou trois maisons d’édition française qui existent en Ontario. Il a démarré le journal Le Nord en 1975 dans un village d’environ 6000 personnes et l’hebdomadaire existe toujours. La Librairie Le Nord a réussi à surpasser les restrictions de la covid et continue toujours à nous émerveiller avec une littérature française et canadienne-française sans jamais oublier de soutenir les auteurs locaux.
11- La Radio de l’épinette noire et le journal Le Nord – C’est en octobre 1987 que la Radio communautaire de l’épinette noire (CINN) reçoit l’approbation du CRTC après avoir survécu près de deux ans grâce aux volontaires. Plus tard, lorsque le journal Le Nord passe au feu, ce sont eux qui prennent la relève. Le journal survit les années de covid en utilisant l’Internet comme moyen de distribution. Le conseil d’administration est formé de gens de la région de Hearst. Dans ce contexte, il faut mentionner les noms de Guy Lizotte et Steve Mc Innis comme piliers de ce mouvement.
12- Le tournoi des deux glaces – En 1978, un groupe de hockeyeurs se rencontrent pour organiser le premier Tournoi des deux glaces. Le but est d’amasser des fonds pour le nouveau centre récréatif avec deux glaces. Une fois le centre construit, cependant, les organisateurs continuent à recueillir de l’argent pour venir en aide aux différents organismes de la municipalité. Lors du 25e Tournoi des deux glaces, le comité organisateur annonce que le tournoi a déjà récolté 148 496,52 $ pour les différents organismes sans but lucratif de la région. C’était en 2003. Depuis ce temps, ils continuent de faire de même tout en créant une ambiance de soutien et de partage, sans oublier les leçons de nos ancêtres qui travaillaient fort, mais qui savaient aussi s’amuser ensemble. Je me dois de mentionner le nom de Guy Catellier qui s’est avéré le pilier incontestable de ce tournoi pendant au moins 45 ans. Hermann Morin y a aussi beaucoup contribué.
13- Le Conseil des Arts – La première réunion du Conseil des Arts de Hearst (CAH) a eu lieu le 15 juin 1977. On vise un CAH toujours ouvert et accueillant qui permettra aux gens de se réaliser du côté des arts et de la culture. Depuis sa fondation, le CAH survit grâce aux subventions et aux dons qu’il reçoit de la communauté. Aujourd’hui, son budget frise les 500 000 $, dont seulement 30 % provient de subventions gouverne- mentales. Soulignons toutefois que rien de ceci n’aurait pu être accompli sans l’effort et l’implication de nombreux bénévoles. Le CAH est aussi responsable de la construction de la Place des Arts avec une galerie et une salle de spectacle. Les années de covid l’a obligé à vendre la Place des Arts au Conseil scolaire public du Nord-Est de l’Ontario, mais a tout de même gardé la salle de spectacles et repris son élan depuis. Le travail de Rita Guindon au CAH pendant de nombreuses années doit être souligné.
14- Ferme Blais – Afin de mieux faire connaître les bienfaits de la ferme et d’encourager les jeunes à considérer l’agriculture comme carrière, Debby Blais s’est jumelée à l’École catholique Pavillon Notre-Dame. Durant la covid, elle envoie des vidéos de la ferme à l’école et forme un groupe sur une plateforme sociale. Plus tard, elle apporte des animaux, poussins, petits cochons et lapins à l’école puis elle commence un programme de jardinage. Les jeunes du Pavillon Notre-Dame se rendent sur la ferme en juin et plantent leurs légumes ; ils reviennent ensuite en septembre pour la récolte.
Et, il y en a bien d’autres ! C’est ainsi que la tradition des pionniers de la région de Hearst continue. Ce que les gens de l’extérieur ne comprennent pas toujours, c’est que lorsque tu vis dans une région isolée et que tu dois constamment combattre les forces de la nature, l’entrepreneuriat, la débrouillardise, la créativité et j’ajoute ici l’entraide ne sont pas seulement souhaitées, mais sont nécessaires si on veut survivre.