En Ontario, il n’y avait aucune obligation de tenir des élections. En fait, le premier ministre aurait pu gouverner au moins une année de plus avant de convoquer une élection.
Non, il n’est pas question ici du gouvernement Ford.
Nous sommes en 1990.
Cette année-là, le libéral David Peterson est à la tête du plus grand gouvernement majoritaire de l’histoire de la province.
À cette période, il est l’homme politique le plus populaire de tout le pays, ayant réussi, trois ans plus tôt, à combler 95 des 130 sièges de l’Assemblée législative de l’Ontario.
À l’été 1990, le premier ministre Peterson a décidé de déclencher des élections anticipées, deux ans avant la date fixée du scrutin, pensant qu’il serait préférable de demander un nouveau mandat aux Ontariens, plutôt que de tenir un scrutin en pleine récession, présagée l’année suivante.
Par ailleurs, il avait récemment été plongé dans un scandale de financement politique ayant mené à une enquête publique et à une enquête judiciaire qui s’est poursuivie jusqu’en Cour suprême.
En campagne électorale, David Peterson fait alors face à deux chefs d’opposition inexpérimentés: le néo-démocrate Bob Rae et le conservateur Mike Harris.
Malgré une importante popularité et une avance dans les sondages, David Peterson subit une défaite surprise, et Bob Rae devient le chef du premier gouvernement néo-démocrate en Ontario.
Février 2025
Nous sommes maintenant en 2025 et 35 ans plus tard, le premier ministre ontarien Doug Ford vient de déclencher des élections par anticipation, soit 18 mois avant la date prévue.
Et l’ex-premier ministre David Peterson est catégorique: «Doug Ford n’a pas besoin d’élections», déclare-t-il en entrevue téléphonique avec Le Droit.
Comme les libéraux de Peterson en 1990, le Parti progressiste-conservateur de Doug Ford avait, à la dissolution de la Législature, le plus grand gouvernement majoritaire de l’histoire de la province.
Doug Ford dit lui aussi vouloir un nouveau mandat pour faire face à l’incertitude économique.
«Je veux protéger l’Ontario» contre les menaces tarifaires du président américain Donald Trump, répète-t-il, ad nauseam.
Mais comme en 1990, les partis d’opposition ont noté que le gouvernement n’avait pas besoin de déclencher des élections anticipées pour y arriver.
Désireux de tenir des discussions avec les législateurs américains à ce sujet, le chef progressiste-conservateur prévoit faire deux voyages à Washington, en février, agissant en sa qualité de premier ministre.
De nombreuses questions ont d’ailleurs été soulevées à savoir si Doug Ford dépasse les limites de la convention de transition électorale.
Mais de toute façon, dit David Peterson, «le premier ministre de l’Ontario est un foutriquet à Washington». En anglais, il utilise le mot «pipsqueak», qui désigne quelqu’un dont on fait peu de cas.
«Personne ne sait qui il ou elle est, et prétendre pouvoir s’asseoir avec Trump et négocier, c’est extrêmement présomptueux, ça n’arrivera pas», ajoute-t-il.
Lors d’un arrêt de campagne à Niagara, vendredi, Doug Ford a été questionné à savoir s’il est réaliste de penser que Trump rencontrera un premier ministre de l’Ontario.
«Ce sera à lui de décider», a-t-il répondu.
Une excuse crédible?
La néo-démocrate Marit Stiles et la libérale Bonnie Crombie, qui en sont toutes deux à leur première campagne électorale à la tête de leurs partis, ont répété au cours des derniers mois qu’elles appuieraient d’éventuelles mesures fiscales du gouvernement Ford visant à faire face aux répercussions des tarifs de Donald Trump.
Elles ont aussi accusé Ford d’utiliser les mesures du président américain comme excuse pour déclencher des élections.
Faisant face à une enquête criminelle de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans la foulée du scandale de la ceinture de verdure, Doug Ford veut être réélu avant que les résultats soient rendus publics, soutiennent Marit Stiles et Bonnie Crombie.
Par ailleurs, la population ontarienne a l’habitude d’élire un gouvernement libéral lorsque les conservateurs fédéraux sont en poste, et vice versa.
En 2024, Doug Ford a systématiquement refusé de dire s’il allait, oui ou non, déclencher des élections en 2025, alors qu’à Ottawa, la popularité des libéraux de Justin Trudeau dégringole et que les conservateurs de Pierre Poilievre sont favoris dans plusieurs sondages.
«Il a donc demandé des élections et il a inventé une excuse. La question est alors de savoir si cette excuse est crédible. Et je ne pense pas qu’elle soit très crédible», laisse tomber l’ex-premier ministre libéral.
Est-ce que l’histoire de 1990 pourrait se répéter, 35 ans plus tard?
«Je ne pense donc pas qu’on puisse en déduire quoi que ce soit. Cela dépend de la manière dont il fait valoir ses arguments et de la confiance que les gens lui accordent», conclut David Pete