le Lundi 13 janvier 2025
le Mardi 3 Décembre 2024 14:48 Politique

La paralysie du Parlement coute 9,6 millions de dollars au Bureau de la traduction

Près de 21,6 milliards de dollars de dépenses attendent d’être approuvés par le Parlement. — Photo : Hutima – Wikimedia Commons
Près de 21,6 milliards de dollars de dépenses attendent d’être approuvés par le Parlement.
Photo : Hutima – Wikimedia Commons
De nombreuses dépenses, dont celles destinées à la traduction au Parlement, attendent l’approbation du Sénat et de la Chambre des communes. Sans celles-ci, des services pourraient être affectés. Le Bureau de la traduction, qui fête ses 90 ans cette année, n’est pas certain de recevoir son chèque d’anniversaire.
La paralysie du Parlement coute 9,6 millions de dollars au Bureau de la traduction
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Le Bureau de la traduction (BT) attend 9 607 583 $, inclus dans le Budget supplémentaire des dépenses. Ce dernier doit cependant d’abord être adopté par les députés.

Les travaux de la Chambre des communes sont cependant bloqués depuis la fin septembre en raison d’un bras de fer entre le gouvernement libéral et les partis d’opposition.

«De manière générale, au Canada, le Parlement a à la fois le pouvoir et la responsabilité d’approuver les dépenses du gouvernement», rappelle le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT) dans une réponse écrite.

Le 21 novembre, la présidente du Conseil du Trésor, la ministre Anita Anand, a déposé le Budget supplémentaire des dépenses (B) 2024-2025 qui, conformément à la procédure parlementaire, a été renvoyé aux comités permanents pour un examen plus approfondi.

Ce budget comprend 21,6 milliards de dollars en crédits proposés pour divers programmes et services.

Ces crédits proposés ne seront pas accordés tant qu’un projet de loi n’aura pas été déposé et adopté, explique le SCT.

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Pourquoi les travaux sont-ils bloqués?

Un scandale entourant Technologies du développement durable Canada (TDDC) est à l’origine de la paralysie du Parlement. Ce fonds vert fédéral public a été rebaptisé «Green Slush Fund» par les conservateurs.

Depuis juin dernier, les partis d’opposition demandent la publication des documents liés à la mauvaise utilisation du fonds. Selon les libéraux, ce serait une ingérence dans le travail des policiers qui enquêtent sur le fonds.

Mais une motion obligeant la remise de documents a tout de même été adoptée. Les libéraux étaient les seuls à la rejeter. Puis en septembre, le président de la Chambre des communes, Greg Fergus, a annoncé que les documents remis étaient incomplets.

À la suite de cette annonce, les conservateurs ont présenté une motion de privilège, qui a préséance sur le reste des travaux, afin de demander la remise de tous les documents au Parlement.

Assurer le français au Parlement

Les dépenses supplémentaires pour le BT «appuient les interprètes qui fournissent un service essentiel pour que les parlementaires canadiens puissent travailler dans la langue officielle de leur choix», rapporte un porte-parole du ministre de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC), Guillaume Bertrand, dans une réponse par courriel.

Le ministre de Services publics et Approvisionnement Canada, Jean-Yves Duclos. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Celui-ci accuse les conservateurs de Pierre Poilievre d’être responsables du blocage des travaux, et ainsi du blocage des sommes destinées au BT. «Le bilan des conservateurs de Pierre Poilievre parle pour lui-même quand vient le temps de défendre les langues officielles sur la colline parlementaire», écrit-il.

Guillaume Bertrand assure que «des solutions d’atténuation des impacts sont présentement à l’étude».

Le BT tombe sous le portefeuille de SPAC. Par courriel, ce ministère confirme qu’il évalue «ses options d’atténuation, y compris une stratégie de saine gestion de la trésorerie».

Le BT, créé en 1934, regroupe les traducteurs, interprètes et terminologues qui œuvrent au sein du gouvernement fédéral. Au sein de l’administration publique centrale. Il répond à environ 75 % de la demande de services de traduction, selon une réponse écrite de SPAC.

Toujours selon SPAC, les demandes de traduction des ministères et des organismes sont de l’anglais vers le français environ 90 % du temps. Au Parlement, la demande de traduction est d’environ 80 % de l’anglais vers le français.

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Un besoin non identifié

Le Budget supplémentaire sert à couvrir de nouvelles dépenses, non anticipées dans le Budget principal adopté en mars dernier, explique la professeure d’études politiques à l’Université d’Ottawa et chroniqueuse pour Francopresse, Geneviève Tellier.

Geneviève Tellier est curieuse de savoir pourquoi le Bureau de la traduction a besoin de 9,6 millions de dollars supplémentaires. 

Photo : Martin Roy – Le Droits Affaires

«Dans le cas de la traduction, la question que j’aurais pour le Bureau de la traduction, c’est : qu’est-ce qui est arrivé de particulier?»

Au moment de publier, Francopresse n’a pas pu savoir pour quelle raison le BT a besoin de cette somme supplémentaire de 9,6 millions de dollars.

En attendant la somme, explique la politologue, le BT peut tenter d’économiser l’argent dont il dispose déjà. «J’ose espérer que ce qu’on ne peut pas payer en ce moment, c’est ce qui est peut-être considéré moins important», dit-elle.

Reprise des travaux d’ici janvier?

Mme Tellier estime que les travaux parlementaires reprendront d’ici janvier ou février 2025. «L’obstruction de la part des conservateurs» ne va pas s’éterniser, car elle est limitée par un nombre d’heures précises.

SPAC est loin d’être le seul ministère affecté par la paralysie des travaux.

«Les ministères demandant ce financement devront prendre des décisions au cas par cas sur la manière de gérer entretemps, explique le SCT dans sa réponse écrite. Ils pourraient notamment retarder la mise en œuvre de nouveaux programmes, utiliser les fonds existants ou demander au Conseil du Trésor des fonds pour éventualités, qui servent à fournir des ressources urgentes lorsque d’autres fonds ne sont pas disponibles.»

D’autres exemples de fonds bloqués incluent 2,9 milliards de dollars de dépenses en personnel, 1,2 milliard d’aide militaire et financière à l’Ukraine et 1,8 milliard en approvisionnement et en dépenses militaires.

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