Toutefois, lors de son passage à Greenstone la semaine dernière, M. Ford a rétorqué qu’il ne se préoccupe pas de déterminer une date d’élection, mais qu’il se préoccupe plutôt de prendre soin de la communauté.
Pour sa part, le député provincial néodémocrate de la circonscription de Mushkegowuk-Baie James, Guy Bourgouin, croit que c’est possible pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il y a l’enquête criminelle en cours depuis un an de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sur la décision du gouvernement de l’Ontario d’ouvrir des parties de sa Ceinture de verdure protégée au développement immobilier. « M. Ford craint que l’enquête criminelle de la GRC puisse lui nuire. En ce moment, le ministre et le cabinet du premier ministre rendent des comptes. Je crois qu’il veut être en avant de cela et il veut aussi être en avant des élections fédérales pour des raisons quelconques. Nous croyons que ça pourrait être aussi tôt qu’en mars 2025 et que c’est pour cela qu’ils expédient beaucoup de projets de loi. »
Le caucus néodémocrate estime que les travaux en chambre se termineront la semaine du 5 décembre et qu’en revenant après la pause des Fêtes, les conservateurs présenteront leur budget avant d’annoncer des élections. « Mais on s’entend que ça coute de l’argent aller en élection ! On a une province qui est encore en crise en éducation, en santé… la liste est longue. Doug Ford dit que son mandat est rempli, je dois avouer qu’il y a beaucoup de problèmes qui devraient être adressés et de travail à faire en province sans aller en élections. »
Selon lui, le gouvernement en place n’a que ses intérêts et ceux de son entourage à cœur.
D’après M. Bourgouin, la récente série d’annonces d’investissements par le gouvernement ontarien dans divers secteurs à travers la province ressemble à une manœuvre préélectorale. Il considère que ces annonces, qu’elles concernent des régions comme Greenstone ou son propre comté, visent à séduire les électeurs à l’approche des élections. Le député s’attend à d’autres annonces concernant les usines de papier ou l’industrie forestière dans les mois à venir.
Guy Bourgouin critique également la remise de 200 $ à tous les Ontariens, annoncée récemment dans le cadre de l’énoncé économique, qu’il qualifie de tactique populiste visant à gagner des voix avant les élections. Tout en reconnaissant que le gouvernement majoritaire du premier ministre Doug Ford lui permet de prendre des décisions unilatérales, il souligne que les élections de 2026 ne sont pas si éloignées. Il craint également qu’un enchainement d’élections fédérales et provinciales puisse entrainer une lassitude des électeurs, alors que le gouvernement fédéral minoritaire des libéraux pourrait déclencher des élections à tout moment.
L’analyste politique Yan Plante explique d’entrée de jeu que bien que la Loi sur les élections à date fixe prévoie des élections en 2026, elle ne retire pas au premier ministre le pouvoir de recommander une élection anticipée à la lieutenante-gouverneure, qui agit toujours sur son conseil. Selon lui, cette loi est un « mirage », car en réalité, les premiers ministres conservent la liberté de convoquer des élections quand bon leur semble.
Plante souligne également que, historiquement, l’Ontario a souvent voté différemment au provincial et au fédéral, bien qu’il existe quelques exceptions. Il explique que lorsque la province choisit un gouvernement provincial bleu (conservateur), elle tend à élire un gouvernement fédéral rouge (libéral). Cette tendance ne garantit pas nécessairement le résultat final des élections, mais elle se reflète dans le parti ayant obtenu le plus de sièges à chaque niveau.
« Ce comportement historique là c’est sûr que l’entourage de M. Ford y pense et en ce qui concerne les peurs reliées à l’élection de Pierre Poilievre au fédéral, d’après ce que j’ai lu et entendu, les gens s’attendent à ce qu’il fasse beaucoup de coupures s’il est élu premier ministre », exprime l’analyste.
Il poursuit en disant que l’Ontario, étant la province la plus peuplée du pays, compte un grand nombre de fonctionnaires fédéraux et de personnes bénéficiant de programmes fédéraux. Or, le premier ministre Doug Ford pourrait craindre que des coupes fédérales sous un gouvernement conservateur nuisent à son image et affectent ses propres élections provinciales. Selon lui, Ford pourrait être incité à réclamer des élections avant que ces décisions à Ottawa n’entrainent une levée d’impopularité susceptible de lui porter préjudice.
En conclusion, Yan Plante croit qu’une autre raison pour laquelle le premier ministre Doug Ford pourrait décider de déclencher des élections serait pour prendre de court les nouvelles cheffes de l’opposition libérale et néodémocrate, qui n’ont pas encore eu le temps de bien s’organiser. Ford pourrait également juger qu’il a besoin d’un nouveau mandat pour mettre en place des projets qu’il n’a pas pu aborder lors de la dernière campagne électorale. Il est possible que, loin des raisons purement tactiques, le premier ministre en arrive à la conclusion que la situation actuelle nécessite un renouvèlement de son mandat pour mettre en œuvre des idées ambitieuses qu’il n’avait pas encore soumises aux électeurs.