La célébration a débuté par des chants religieux dirigés par Serigne Pape Guéye, disciple « talibé » tidjane, et ses confrères. Cette première partie de la soirée a été marquée par la récitation du Burd, un poème religieux composé par l’Imam Al Bousri au VIIe siècle. Cet écrit est souvent récité en l’honneur du Prophète avant les grandes festivités du Maouloud.
Ce texte porte aussi le nom de La Bourda : c’est une oeuvre qui loue la grandeur et la miséricorde du Prophète et de son action dans le monde musulman.
Les chants, entonnés par les fidèles tidjanes, reflétaient la profondeur de l’attachement spirituel à leur guide religieux, El Hadji Malick Sy de Tivaoune, au Sénégal.
Serigne Pape Guéye
Au-delà des chants et des louanges, l’évènement a été ponctué de deux discours majeurs. Après avoir récité ce poème, Serigne Pape Guéye a pris la parole pour partager un message centré sur les vertus morales du Prophète et l’importance de suivre son exemple. S’appuyant sur un hadith bien connu, « je n’ai été envoyé que pour parfaire les vertus morales », il a insisté sur la dimension éthique et morale de la mission prophétique.
Cette citation, tirée du Hadith Makârim al-Akhlâq, rappelle l’essence même de l’islam, où l’accomplissement des bonnes actions et le développement des vertus morales sont des piliers fondamentaux. Le Hadith Makârim al-Akhlâq, qui se traduit par « les nobles caractères » ou « les vertus morales », fait référence à un hadith du Prophète Muhammad (paix soit sur lui) qui souligne l’importance de l’éthique et de la moralité dans l’islam. Serigne a ensuite évoqué le poème Khilassou Zahab, écrit par El Hadji Malick Sy, dans lequel les qualités exceptionnelles du Prophète sont magnifiées.
El Hadji Malick Sy, souvent appelé simplement Malick Sy, est une figure importante de l’islam au Sénégal. Né en 1855 et décédé en 1922, il est le fondateur de la confrérie des Tidjanes, l’une des plus grandes confréries soufies du pays. Il est connu pour sa spiritualité profonde et son engagement envers la propagation de l’islam.
Malick Sy a joué un rôle clé dans l’éducation religieuse et la promotion des valeurs islamiques au Sénégal. Sa vie et son oeuvre continuent d’influencer de nombreux Sénégalais, et il est respecté comme un saint et un guide spirituel. Ses enseignements et sa philosophie mettent l’accent sur la dévotion, la paix et l’amour pour autrui.
Pour les fidèles, un tel évènement est non seulement une occasion de célébrer cet anniversaire sacré, mais aussi une opportunité de renforcer leur foi et de méditer sur les enseignements du Prophète.
Serigne Aliou Bousso
La deuxième partie de la soirée a été animée par Serigne Aliou Bousso. Il est le responsable moral de la confrérie mouride de Daara Hisbut Tarqiyyah de Hearst. Il faisait partie des dirigeants des chants religieux avec son équipe basés sur les écrits de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de cette confrérie.
Le terme « confrérie » est peu utilisé au Canada, mais il signifie une association conviviale de personnes ayant une occupation particulière.
Ces chants, appelés « khassaides », sont des poèmes qui louent la grandeur du Prophète et glorifient Dieu. Parmi ces oeuvres, M. Bousso a cité le poème Jasboul Qulub, pour son contenu profondément spirituel qui explique l’importance de la célébration du Mawlid. La traduction de ce poème serait le recueil ou la connexion des coeurs.
Dans son discours, Serigne Aliou Bousso a insisté sur le caractère unique et sacré de la nuit de la naissance du Prophète. D’après lui, cette nuit symbolise la délivrance de l’humanité, marquant un tournant décisif pour tous les peuples du monde.
On pourrait croire que c’est un peu comme la célébration de Noël pour les chrétiens, mais en réalité bien que le Mawlid et Noël soient des fêtes de naissance célébrées dans des contextes religieux distincts, leurs significations et leurs traditions reflètent les valeurs et les croyances de leurs communautés respectives.
M. Bousso a expliqué la venue du Prophète sur terre en citant le fondateur de sa confrérie en référence pour son discours.
Rassemblement interconfrérie
Tout au long de la soirée, une atmosphère de fraternité et de convivialité a prévalu parmi les participants. Le Maouloud, loin d’être une simple célébration, est un moment où les individus se rassemblent pour partager des expériences significatives, renforcer leurs liens sociaux et s’ancrer dans leurs valeurs.
Les intervenants, Serigne Pape Guéye et Serigne Aliou Bousso, ont tous deux souligné l’importance de ces rencontres pour préserver la tradition et promouvoir les valeurs éthiques.
Malgré leurs approches spirituelles différentes, les deux confréries ont su unir leurs efforts pour faire de cet évènement un succès. Cette collaboration entre les tidjanes et les mourides illustre la diversité et la richesse de la communauté sénégalaise à Hearst, ainsi que la capacité des membres à se rassembler autour de principes communs, tels que l’amour et la quête de paix intérieure.
Par contre, chaque année le Maouloud est l’objet de débats houleux au sein de la communauté musulmane, ce qui n’est pas sans provoquer de nombreuses dissensions entre les fidèles. Certains considèrent qu’il s’agit là d’une innovation (bid‘a) blâmable, tandis que d’autres y voient une occasion sacrée pour célébrer l’amour du Prophète et rappeler ainsi ses enseignements.
L’évènement, qui s’est terminé aux alentours de minuit, a également eu une dimension éducative. Les discours des deux hommes ont permis aux participants, étudiants comme invités, de mieux comprendre les fondements du Maouloud, ainsi que l’importance de cultiver les vertus morales prônées par le Prophète.
Cette célébration du Maouloud est le témoignage vibrant de l’attachement des jeunes Sénégalais à leurs racines religieuses et culturelles, même loin de leur terre natale.