La Ville de Hearst est dans l’eau chaude après avoir remis un contrat pour l’achat d’équipement et de lignes téléphoniques à une entreprise de Sudbury au détriment d’une entreprise locale et de sa propre Corporation Hearst Connect. Pourtant, des options légales étaient à la disposition de la Ville pour encourager l’économie locale tout en économisant des milliers de dollars. Cette décision a été prise puisqu’elle faisait sauver à la Ville 4098,80 $ par année pour les cinq prochaines années, mais l’aspect local ne semble pas avoir été pris en considération.
La Ville de Hearst a lancé un appel d’offres le 16 janvier dernier afin d’obtenir des soumissions d’entreprises se spécialisant dans la téléphonie. Deux choses sont exigées : le matériel téléphonique et les lignes téléphoniques via un cloud qui permet une intégration d’Outlook, l’utilisation d’une application mobile et une plateforme de communication interne. L’appel d’offres demandait deux services différents qui ne permettaient pas à Hearst Connect de soumissionner puisque la Corporation locale ne vend pas de système téléphonique. À titre d’exemple, Hearst Connect offre le câble par fibre, mais ne vend pas de téléviseurs.
À la fermeture de l’appel d’offres le 16 février, cinq entreprises avaient déposé une soumission. Elles ont été évaluées et notées grâce à un tableau de pointage créé et utilisé par la Ville. Les résultats placent deux entreprises en tête, premièrement Sunwire Inc. de Sudbury avec 94,8 % suivi de Tecnor Business Solution Inc. de Hearst à 87,2 %.
Selon le calcul de la trésorière de la Ville de Hearst, Sunwire charge pour l’équipement et l’installation du nouveau système la somme de 21 947 $, et les couts de services annuels sont estimés à 16 698 $. Puisque le contrat est d’une durée de cinq ans, le cout total réel est de 105 437 $ (voir tableau comparatif).
Quant à l’entreprise locale, prête à travailler avec Hearst Connect, elle a soumissionné 51 546 $ pour l’équipement et l’installation du nouveau système téléphonique, et le prix pour le service annuel était de 6 350 $, donc un total de 83 296 $ sur cinq ans.
Puisque Technor Business Solution Inc. aurait travaillé avec Hearst Connect, il faut ajouter la portion de Hearst Connect à 8 527 $ par année, donc une somme de 42 635 $ pour cinq ans. Ainsi, le total de la soumission de Tecnor comprenant les services de Hearst Connect est de 125 931 $ pour cinq ans.
Si la Ville avait fait le choix d’encourager ses commerces locaux et sa propre Corporation Hearst Connect, les contribuables locaux auraient payé 4098,80 $ de plus par année, mais auraient renfloué les coffres de Hearst Connect de 42 635 $ sur cinq ans. C’est comme sortir 42 635 $ de la poche de gauche pour la mettre dans la poche de droite, c’est appauvrir la Corporation de la Ville de Hearst pour enrichir la Corporation Hearst Connect. Et, de toute façon, aucune loi n’oblige les municipalités à choisir le plus bas soumissionnaire dans ce genre de situation. De plus, nul besoin de rappeler que les excédents budgétaires de la Corporation Hearst Connect sont remis directement dans les coffres de la Ville.
À propos de Technor, l’entreprise a un pied à terre au 3, 15e Rue à Hearst depuis son ouverture en 2016, Datacloud Networks à l’époque, et qui soutient actuellement sept emplois locaux.
De plus, selon la documentation obtenue par le journal Le Nord, la soumission de Technor comprenait beaucoup plus d’équipement dont la Ville avait besoin. Donc, après avoir retiré tous les appareils et le matériel que la Ville considérait comme étant superflus, la facture en équipement aurait passé de 28 904 $ à environ 15 972,42 $ pour l’équipement et l’installation.
Des options
Pourtant, la Ville pouvait utiliser d’autres processus. Pour minimiser les couts et augmenter les chances de demeurer local, entre autres, deux options étaient disponibles. Premièrement, l’offre de service aurait pu être scindé en deux. La première pour l’équipement téléphonique et la deuxième pour les lignes téléphoniques.
Comme deuxième option, la Ville de Hearst aurait pu tout simplement demander à Hearst Connect d’effectuer le travail puisque la Corporation Hearst Connect appartient à la Ville et fait en quelque sorte partie du système téléphonique actuel. Par la suite, l’équipe de Hearst Connect aurait eu à lancer elle-même un appel d’offres pour l’achat de l’équipement téléphonique.
Les élus pointés du doigt
La grogne locale provient surtout du fait que les élus ont accepté la recommandation du comité des finances sans poser de questions. La proposition a été acceptée à l’unanimité lors de la rencontre du conseil municipal tenue le mardi 28 février dernier. Même si les conseillers Nicolas Picard et Josée Vachon siègent actuellement au conseil d’administration de Hearst Connect et que Daniel Lemaire a siégé à ce même conseil durant plusieurs années, ils ont voté en faveur de cette proposition sans demander plus d’informations.
Joint par téléphone, la conseillère Josée Vachon a indiqué au journal Le Nord ne pas avoir de problème avec cette situation, contrairement au conseiller Nicolas Picard qui avoue ne pas avoir compris les enjeux locaux. « En tant que conseiller, j’aurais aimé avoir eu davantage de contexte sur les impacts locaux de ma décision avant de voter. Lorsque je regardais l’information qui m’avait été fournie, je n’étais pas au courant qu’une entreprise locale avait soumissionné. La note mentionnait que le système choisi était possible avec l’Internet de Hearst Connect, ce qui me satisfaisait. »
Le maire de Hearst, Roger Sigouin, estime également être dépassé par les évènements. « Sur papier et tel que présenté, c’était la décision à prendre. Si des erreurs ont été commises, on devra enquêter làdessus. S’il y avait une meilleure méthode de procéder, ce sera à nous de s’assurer qu’une telle situation ne survienne pas. »
Apprendre de la situation
Pour Nicolas Picard, qui siège au conseil municipal et au conseil d’administration de Hearst Connect, il faut apprendre de cette situation. « Ma décision s’est prise au niveau de l’impact financier.
Pour la Ville, le cout du soumissionnaire était avantageux pour les payeurs de taxes. Maintenant que la décision est prise, j’espère que nous pourrons travailler ensemble dans le but de trouver des mécanismes afin d’adéquatement informer les membres du conseil avant de prendre des décisions. De mon point de vue, chaque note devrait fournir de l’information sur l’impact local, au même niveau que les notes parlent de l’impact financier. Ceci forcerait nos employés à penser aux possibles enjeux locaux avant de soumettre des recommandations. Mon objectif, c’est que la Ville puisse stratégiquement encourager local, si cela est financièrement responsable. »
La corporation Hearst Connect
Sur le site Internet de la Corporation Hearst Connect, il est écrit que : « Hearst Connect existe pour répondre aux besoins en matière de service Internet et téléphonique des résidents et des entreprises de la région de Hearst. Contrairement aux autres grands fournisseurs de télécommunications, Hearst Connect est un fournisseur entièrement local. Tout comme vous, notre équipe vit et travaille ici à Hearst. Nous comprenons donc vos besoins à un niveau plus personnel. Et nous connaissons directement les défis et les frustrations liés au fait de vivre dans le Nord de l’Ontario et de ne pas avoir un accès constant à un service Internet et téléphonique fiable. La bonne nouvelle est que Hearst Connect est en train de changer le visage des télécommunications ici même à Hearst. Comment ? Nous le faisons en utilisant la technologie de fibre la plus sophistiquée qui existe pour nous assurer que vous avez toujours accès aux meilleures connexions Internet et téléphoniques offertes. Propriété de la Ville de Hearst et constituée en société en 2017, Hearst Connect a été créée à partir d’une idée de la Corporation de la distribution électrique de Hearst. Notre conseil d’administration relève directement du conseil municipal de Hearst. »
Aide-mémoire
Le conseil municipal avait approuvé lors de sa réunion du 9 mai un prêt de 500 000 $ à la Corporation Hearst Connect (Hearst Wi-Fibe à l’époque) en plus de co-signer pour une ligne de crédit de 3,5 millions de dollars à la Banque Scotia.