Isabel Mosseler – IJL – Réseau.Presse
Tribune : la voix du Nipissing Ouest
Après deux ans de pow-wows virtuels, les gens étaient particulièrement ravis de pouvoir se rassembler enfin en personne pour le 34e pow-wow traditionnel de la Première nation Nipissing (PNN) pendant la longue fin de semaine de la fête du Travail. Le temps pluvieux n’a pas pu éteindre l’esprit de célébration – ou le feu sacré – du samedi, mais le beau temps du dimanche a attiré trois fois plus de monde selon Brady Penasse, coordonnateur des évènements culturels de la PNN. Les deux dernières années ont été lourdes et difficiles pour les premières nations du pays, et le pow-wow se voulait un baume sur ces blessures de par son thème, Nishnaabe mshkiki emiikshkaagyang, « la Médecine qui nous unit. »
Selon M. Penasse, cette médecine « comprend le fait de pouvoir se voir. Ces dernières années, nous ne pouvions pas nous serrer dans les bras, ou voir nos sourires sous les masques, et cela a eu des conséquences lourdes sur notre communauté comme sur les autres. Tout le monde le ressent, surtout ceux qui ont perdu des êtres chers que nous pleurons encore et que nous ne pouvons pas voir à nos rassemblements cette année. (…) Pendant que j’organisais ce pow-wow, j’ai perdu mon grand-père, mon Mishomis, il est décédé il y a deux semaines. C’était l’un de nos derniers survivants des pensionnats, Howard Penasse… La Médecine qui nous unit, ça comprend nos ancêtres, ça comprend tous nos remèdes, car nous sommes un remède les uns pour les autres. »
Les pow-wows en soi sont considérés comme des occasions de guérison. Brady Penasse le confirme. « Nous avons deux bâtons de cérémonie pour les survivants des écoles résidentielles, et dans le passé mon Mishomis portait le bâton pour représenter les garçons survivants, donc toute ma famille et toute la communauté ont bien ressenti son absence cette année. Ce que je veux souligner par rapport à notre thème, c’est qu’on ne sait pas qui va être là ou pas l’année prochaine, donc il faut en profiter pleinement cette année et bien célébrer, parce qu’on ne sait jamais. »
En effet, tout le monde a bien profité. Bob Goulais était de retour comme maître de cérémonie, avec son humour et sa bienveillance habituels. Deux couples d’aînés ont présidé les cérémonies : Lorraine Liberty et Perry McLeod-Shabogesic et Michael Couchie et Glenna Beaucage. « Nous avons habituellement un couple d’aînés, mais cette année nous en avons nommé deux, deux hommes et deux femmes. Le feu sacré a brûlé pendant quatre jours et il fallait deux aînés à chaque cérémonie du levée du soleil du jeudi au dimanche. Évidemment, s’ils sont là au levée du soleil, à leur âge, c’est difficile de rester toute la journée au pow-wow (…) alors nous avons réparti les tâches. »
C’était aussi la deuxième fois que le pow-wow avait lieu à Garden Village, derrière l’édifice administratif, plutôt qu’au terrain sacré de Jocko Point. Pour certains, ce changement est controversé, mais M. Penasse explique que le nouveau site est plus pratique et sécuritaire en raison des grandes foules. « Nous avons eu plus de monde qu’au dernier pow-wow, » dit-il, en plus de 30 vendeurs. « Il a fallu avoir recours au stationnement supplémentaire. Ça montre à quel point c’est devenu grand. Dans notre communauté, c’est mal vu de ne pas le faire à Jocko Point, mais c’est une question de sécurité. Notre cœur est à Jocko Point, notre esprit est là, nous cherchons une nouvelle solution pour l’évolution de nos rassemblements… mais la sécurité est une grande préoccupation. La dernière fois à Jocko Point, quelqu’un a fait une crise cardiaque et l’ambulance a eu du mal à accéder au site. Il faut que nos routes restent dégagées pendant le pow-wow. »
Il y avait cinq groupes de tambour au pow-wow, dont Burning Plains et Good Time Ojibwe. Les danseurs en chef adultes étaient Brooklyn Sawyer et Steeve Teekens, alors que les jeunes danseurs étaient menés par Rylan Fisher et Destiny Beaucage. M. Penasse estime qu’il y avait plus de 200 danseurs de diverses catégories. « C’était très agréable pour les gens de se revoir et retrouver leurs amis, beaucoup d’interaction sociale – la Médecine qui nous unit ! »
Même l’organisateur était étonné de voir autant de participation. « Un vendeur qui offrait des repas de poisson m’a dit qu’il a fait plus de 6000$ pendant la fin de semaine. J’étais stupéfait, wow! Cette année nous avons pris un traiteur pour le grand festin, à cause de la pandémie. Normalement, tous les membres de la communauté apportent un plat, mais pour des raisons de sécurité, nous avons préparé des assiettes à distribuer. Le festin était préparé par Carla McLeod, l’une de nos membres, qui est traiteur (Carla’s Kitchen). Je sais qu’elle a été touchée par le thème de cette année aussi; elle a perdu son époux l’an dernier, et il adorait venir à nos pow-wows car c’était un grand promoteur de notre langue et notre culture. »
Finalement, le pow-wow était aussi symbole de renouveau : allumer le feu sacré et passer le flambeau. Brady Penasse, 25 ans, en était à sa première organisation comme nouveau coordonnateur. « La récente coordonnatrice des évènements culturels, Mindy Larivière, est maintenant directrice de la Culture et du Patrimoine. Pendant la pandémie, l’ancienne directrice (Glenna Beaucage) a pris sa retraite, donc tout le monde est nouveau ! Glenna a participé comme aînée cette année. Je voudrais vraiment la remercier de tout le travail qu’elle a fait jusqu’ici; elle a porté le flambeau de la culture pour toute notre communauté pendant longtemps. C’est un temps incroyable dans notre communauté, pour la culture, l’apprentissage et la valorisation identitaire qui sont tous en ébullition. Il y a beaucoup de nouveaux visages. Je suis nouveau et il y a beaucoup de nouveaux employés, c’est comme un nouveau départ. »
Photo : canadianpowwows.ca