le Jeudi 23 janvier 2025

Le gouvernement du Canada investit des millions de dollars dans la formation en santé en français dans le Nord de l’Ontario. L’objectif est d’améliorer l’accès à des services de santé en français, surtout dans les régions rurales et éloignées.

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Ju – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur

 L’Université Laurentienne reçoit 7 millions $, l’Université de Hearst reçoit 2 millions $, le Collège Boréal 4 millions $ et le Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario (RMEFNO) 1 million $.

Le ministre fédéral de la Santé, Jean Yves Duclos, était de passage au Collège Boréal de Sudbury pour annoncer la répartition des montants. L’argent provient du Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028. « Le programme de santé pour les langues officielles en santé de Santé Canada est conçu pour améliorer l’accès aux soins de santé dans la langue officielle que l’on choisit », dit le ministre Duclos.

Le président du Collège Boréal, Daniel Giroux, souligne que ce financement est essentiel pour maintenir un niveau de services adéquat et essentiel. « Une personne vulnérable dont la santé est défaillante se doit de pouvoir compter sur des services de santé de qualité dans sa langue, peu importe l’endroit où la personne demeure. »

À l’Université Laurentienne, le montant sera géré par le Consortium national de formation en santé CNFS – Volet Laurentienne. Le CNFS appuiera les programmes de formation de santé en français, comme Sciences infirmières, de Service social, l’Orthophonie.

« Présentement, on travaille beaucoup sur le recrutement. On veut aller chercher plus d’étudiants qui vont pouvoir devenir nos futurs professionnels de la santé qui vont pouvoir offrir des services dans les communautés en situation minoritaire en français », explique la gestionnaire du CNFS-Volet Laurentienne, Chanelle Landriault.

Les fonds pourront entre autres servir à des stages pour que les étudiants découvrent les communautés en manque de personnel, précise Mme Landriault.

Le Collège Boréal utilisera les fonds pour ses programmes en santé : hygiénistes dentaires, préposés aux bénéficiaires, technologue en radiation médicale, ambulanciers et infirmières auxiliaires.

« Comme collège en situation minoritaire, les couts sont beaucoup élevés pour développer et maintenir la formation » , dit Daniel Giroux. Sans l’appui financier du gouvernement, il est aussi plus difficile d’offrir des cours et de la formation dans les communautés éloignées, ajoute-t-il.

Le président du RMEFNO, Collin Bourgeois, souligne que le million appuiera ce que l’organisme fait déjà. Le rôle du RMEFNO est entre autres de faire la promotion et de la formation pour que les diverses agences de santé offrent des services en français. « Former, informer et faire une distribution [des services] à parts égales. Chaque région doit avoir un complément de service de santé en français », rappelle M. Bourgeois.

À l’Université de Hearst, l’argent servira surtout à appuyer la formation offerte dans le programme de psychothérapie.

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La députée fédérale de Sudbury, Viviane Lapointe, le ministre fédéral de la Santé Jean Yves Duclos, le député fédéral de Nickel Belt, Marc Serré.

Photo : Julien Cayouette

Le programme JeunInno est une initiative relativement unique en province. La Société économique de l’Ontario tente de convaincre ses bailleurs de fonds de financer une nouvelle version qui s’étendrait à toute la province pour tenter de limiter l’exode des jeunes des régions rurales et francophones.

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Julien Cayouette – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur

Malgré la pandémie, le programme de formation en entrepreneuriat et en art lancé en 2020 a pu organiser 110 activités qui ont attiré 1300 inscriptions. Des résultats qui dépassent d’environ 50 % les cibles qui avaient été fixées. Le programme devait profiter à la région du Grand Sudbury et Rivière des Français, mais en raison du confinement, la responsable, Mireille Dupuis, s’est concentrée sur cette dernière.

D’autres activités pourraient être présentées au cours de l’été, car le projet est financé jusqu’en octobre 2023.

JeunInno s’insère dans le mandat de renforcement économique des collectivités de la Société économique de l’Ontario (SÉO). De plus, il s’agit de leur seul projet en province visant l’exode des jeunes. Le directeur général, Patrick Cloutier, confirme que l’organisme aimerait « l’amener au niveau provincial ». « On veut garder cette richesse francophone là dans nos régions rurales. »

« Présentement, on travaille sur les demandes de financement justement pour aller chercher l’extension », ajoute-t-il.

Malgré le succès de cette première version, Mireille Dupuis retire des leçons de l’expérience. Comme « rester en contact régulier avec les directions des écoles ».

Contrer l’exode

Mme Dupuis croit que d’offrir des activités culturelles et entrepreneuriales est l’une des clés pour garder les jeunes dans les régions. « Quand ils grandissent dans un milieu enrichissant comme ça, ça devient naturel d’être porté à revenir ou de rester dans ta communauté. En créant ce sens d’appartenance, on espère pouvoir garder les jeunes dans nos petites communautés francophones. »

La responsable a vu l’effet de ce sens d’appartenance sur des personnes de la communauté qui sont allées étudier à Ottawa ou Toronto et qui sont revenues pour travailler.

« Je trouve que c’est important de motiver les jeunes à lancer des entreprises. » Un but qui peut être plus motivant que de trouver un emploi dans un commerce local, avance-t-elle. De plus, avec les nouveaux moyens de communication, les petites communautés deviennent des options réalistes pour le travail à distance.

La région du Moyen-Nord de l’Ontario fait présentement face à un déficit de formation après la perte de plusieurs programmes à l’Université Laurentienne. Patrick Cloutier de la SÉO croit que des programmes de ce genre peuvent combler un vide. « Je crois qu’il est important de créer un éveil entrepreneurial chez les jeunes. On travaille beaucoup avec les entrepreneurs, créer des entreprises, créer un écosystème francophone. Oui, l’école est importante. Mais au-delà de ça, créer son entreprise, c’est bien aussi. »

Le projet JeunInno s’adresse aux jeunes francophones de 15 à 18 ans et a comme objectif de renforcer l’engagement communautaire, l’économie sociale, d’encourager l’esprit entrepreneurial de la prochaine génération et à réduire l’exode des jeunes des petites communautés franco-ontariennes par une offre de diverses activités interactives.

Il a été développé par la Société économique de l’Ontario en collaboration avec le Conseil scolaire du Grand Nord et financé par la Fondation Trillium de l’Ontario.

 

Photos

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Les responsables du programme JeunInno ont tenu un évènement de reconnaissance de la Fondation Trillium, le bailleur de fonds, le 24 mars à la Galerie de la Ruelle à Noëlville. Mireille Dupuis, responsable de JeunInno, animait la présentation. — Photos : Julien Cayouette

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Le directeur général de la SÉO, Patrick Cloutier.

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Le député provincial de Timiskaming—Cochrane, John Vanthof

Le secteur des arts en Ontario craignait le pire la semaine dernière alors qu’une rumeur concernant le budget du gouvernement provincial, qui sera dévoilé le 23 mars, annonçait une diminution de 10 millions $ (15 %) du budget du Conseil des Arts de l’Ontario (CAO). Un désastre annoncé alors que le domaine artistique tente de se relever du confinement de la pandémie.
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Julien Cayouette – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur

Les organismes culturels avaient commencé à sonner l’alarme et se prépareraient à revendiquer. La pandémie a fragilisé plusieurs organismes et certaines personnes sont encore hésitantes à prendre part aux évènements publics.
Le vendredi 17 mars en après-midi, le Globe and Mail disait avoir confirmé avec le bureau du ministre des Finances, Peter Bethlenfalvy, que le budget de base de 60 millions $ du CAO ne serait pas touché, seulement un montant de 5 millions $, qui avait été temporairement ajouté pour aider à la relance de certains secteurs, serait retiré.
La catastrophe semble donc être évitée, mais la situation demeure précaire. Lorsque Doug Ford a pris le pouvoir en 2018, le budget du CAO était de 70 millions $.
« L’Ontario est l’une des provinces les plus pauvres en termes de financement de la culture. C’est certain que ça ne va pas aider », commence le directeur général de la Place des Arts du Grand Sudbury, Jean-Gilles Pelletier. Toute diminution du budget compliquera la relance en cours des activités artistiques, dit-il.
« Couper du financement quand on est en train de se remettre sur pied, quand c’est encore fragile, viendrait couper le peu de bases qu’on a. Il faut se rappeler que chaque dollar investi en culture rapporte 17 $ [à l’économie] », rappelle le directeur général du Centre franco-ontarien de folklore, Patrick Breton.
Le directeur général du Carrefour francophone et de La Slague, Stéphane Gauthier, aurait aimé que le gouvernement soit plus à l’écoute du milieu. Il rappelle que les couts pour présenter des spectacles n’ont jamais été aussi élevés. L’inflation, le cout du transport, les assurances ont monté en flèche au cours des dernières années.
Le directeur artistique suppléant du Théâtre du Nouvel-Ontario, Dillon Orr, rappelle qu’une diminution des subventions se fait toujours au détriment des minorités. « Déjà, nous avons moins d’argent que nos homologues anglophones. On n’a pas la force du nombre. Les coupes se verraient moyennement à Toronto, mais c’est dans les plus petites villes où ça se voit énormément. C’est dévastateur dans les régions plus éloignées. »
M. Orr voit une contradiction entre le fait d’avoir permis à la communauté francophone du Grand Sudbury de construire la Place des Arts, mais de ne pas lui donner les moyens de l’habiter.

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La Place des Arts du Grand Sudbury — Photo : Archives Le Voyageur

Un nouveau cours en bloc sur la nordicité sera offert conjointement par l’Université de Hearst et le Collège nordique francophone de Yellowknife. Ce partenariat permettra à l’université nord-ontarienne de prendre davantage sa place dans le monde de l’éducation postsecondaire et au collège des Territoire-du-Nord-Ouest de progresser dans son parcours pour devenir un établissement postsecondaire accrédité.

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Julien Cayouette – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur

 Le cours en bloc de trois semaines s’intitule « La nordicité : approche transdisciplinaire des enjeux du Nord ». Les deux premières semaines de théories seront offertes en ligne à partir du 12 juin et la dernière semaine se déroulera sur place, à Yellowknife. Elle coïncidera avec les festivités de la St-Jean. Les étudiants de l’Université de Hearst (UdeH) peuvent s’y inscrire comme cours au choix, mais tous les francophones du Canada, y compris ceux de Yellowknife, peuvent faire une demande pour l’une des 25 places disponibles.

Photos : Archives Le Voyageur

« Un des points communs des deux organisations est d’appartenir au nord », explique le professeur de littérature et de sémiologie du programme interdisciplinaire en Études des enjeux humains et sociaux de l’UdeH, Stéphane Girard. Comme Hearst est considéré comme étant au sud par Yellowknife, cette différence de point de vue démontre que le nord est à la fois composé de définitions similaires et relatives, dans le sens où « le nord on le définit, on le comprend, on l’appréhende toujours en fonction de quelque chose d’autre », dit le professeur.

Le cours explorera justement ces différences par le biais de la transdisciplinarité. La nordicité sera étudiée par rapport à sa géographie, son histoire, ses communautés, sa culture, la politique… « Ce n’est pas uniquement à l’aune d’une seule discipline qu’on est capable de rendre compte de toute la complexité du nord », affirme M. Girard.

La troisième semaine répondra au critère expérientiel qui fait partie de la philosophie de l’UdeH. Sur place à Yellowknife, ils participeront aux célébrations de la St-Jean, visiteront l’Assemblée législative, des artisans autochtones, feront du canot sur le Grand lac des Esclaves, etc.

Les couts d’inscription sont les mêmes que pour un cours de l‘Université de Hearst. Il faut cependant prévoir débourser un montant supplémentaire pour le voyage à Yellowknife. L’Université utilisera un de ses fonds pour l’appui à l’apprentissage expérientiel afin de réduire le cout du déplacement et du logement pour les étudiants.

Sur la voie de l’accréditation

Le Collège nordique francophone (CNF) est, pour l’instant, un organisme à but non lucratif qui offre principalement de la formation en langues.

La première Loi sur l’éducation postsecondaire des Territoire-du-Nord-Ouest (T.-N.-O.) a été rendue publique en décembre 2022 et a ouvert la porte à la transformation du CNF. « On s’est fait confier le mandat par le gouvernement territorial de devenir un collège pleinement accrédité qui offre des diplômes et des certificats. C’est l’angle que l’on a utilisé pour obtenir notre financement », explique le directeur général du CNF, Patrick Arsenault.

Photo : Courtoisie

Le CNF a reçu près de 5 millions $ sur trois ans provenant du gouvernement des T.-N.-O et des 121,3 millions $ que le gouvernement fédéral a investi dans l’éducation postsecondaire en milieu minoritaire.

Des partenariats avec Hearst et d’autres établissements — comme l’Université de l’Ontario français pour un cours de langue autochtone tłı̨chǫ et le Collège La Cité pour un programme en petite-enfance — ont été créés afin que le Collège développe son expertise et « démontrer au gouvernement territorial dans la prochaine année qu’on a atteint le niveau et réussi à prouver qu’on était capable de prendre notre envol et de devenir indépendant », dit M. Arsenault.

Lorsque l’objectif sera atteint — idéalement en 2024 —, le CNF pourrait devenir le premier établissement postsecondaire francophone accrédité au nord du 60e parallèle au monde. Avec leur nouvelle notoriété, ils espèrent aussi mieux faire connaitre les réalités des Territoires-du-Nord-Ouest aux Canadiens. « On trouve qu’on est un peu méconnu. »

Le CNF surveille l’UdeH depuis quelques années déjà. « Ils font les choses différemment, ils innovent beaucoup. Ils sont petits aussi, on se reconnaissait mieux dans une petite structure plus agile. Et eux aussi font une transition en ce moment », dit M. Arsenault en référence à la nouvelle indépendance de l’Université de Hearst.

Une première pour l’UdeH

Aussi bien pour Stéphane Girard que pour le recteur de l’UdeH, Luc Bussières, le sentiment d’être considéré comme un établissement du sud est étrange, car ils ont l’habitude d’être l’établissement du nord par rapport aux autres.

Pour M. Bussières, ce partenariat avec un autre petit établissement postsecondaire était tout naturel. Il a permis de signer une première entente avec une institution canadienne hors de l’Ontario. Il révèle qu’une autre entente sera bientôt dévoilée avec l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

« C’est devenu un peu la norme que les institutions aient plusieurs partenaires un peu partout. Parfois, c’est juste pour un programme, parfois c’est pour la mobilité des étudiants ou des profs », précise M. Bussières.

Il croit que le principal avantage de ce partenariat pour l’UdeH se compte en gain de notoriété et de visibilité. « On est en train de se faire connaitre sous un nouveau jour. L’Université à 70 ans cette année, mais là, on vole de nos propres ailes, on développe nos propres partenariats. On montre qu’on est un joueur intéressé à collaborer », explique-t-il. Lorsqu’elle relevait de l’Université Laurentienne à Sudbury, l’établissement de Hearst n’avait pas ce niveau de liberté.

Ce cours ne sera pas le dernier offert par l’UdeH et le CNF. L’entente initiale prévoit trois cours; celui-ci au printemps, un à l’automne et un à l’hiver 2024 avec l’option de continuer ou de modifier le partenariat pour la suite. Le sujet des prochains n’a pas encore été choisi et ils seront très probablement seulement offerts en ligne.

Photo principale : Courtoisie

Théâtre Action a été essentiel à l’expansion du théâtre en français en Ontario. Il ne l’a pas créé, mais il lui a permis d’être reconnu, d’obtenir du financement, de se distinguer et de se perpétuer. Atteindre 50 ans est d’autant plus impressionnant pour un organisme « caméléon », qui a réussi à se réinventer plusieurs fois.

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Julien Cayouette – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur

Théâtre Action a été essentiel à l’expansion du théâtre en français en Ontario. Il ne l’a pas créé, mais il lui a permis d’être reconnu, d’obtenir du financement, de se distinguer et de se perpétuer. Atteindre 50 ans est d’autant plus impressionnant pour un organisme « caméléon », qui a réussi à se réinventer plusieurs fois.

Il y avait du théâtre en français en Ontario avant 1972. Il était animé par des troupes amateurs, bénévoles et étudiantes qui travaillaient en silos, sans échanger. Dans cette forme, il ne pouvait pas évoluer.

Plusieurs actions décisives sont à l’origine de la création de Théâtre Action (TA). Plus particulièrement une réunion de l’organisme Theatre Ontario à l’été 1971 où « huit participants de langue française, ayant pris conscience de leur communauté d’intérêts, [ont] refusé de s’intégrer aux ateliers de langue anglaise », peut-on lire dans l’album des 35 premières années de Théâtre Action, écrit par Joël Beddows et Amelie Mercier.

Ce qu’avance le premier « French officer » du Conseil des Arts de l’Ontario (CAO), Richard Casavant, c’est que ces huit participants (Richard Casavant, Jeanne Sabourin, Pierre Bélanger, Luc Clouâtre, Denis Courville, Jacqueline Martin, Sr. Micheline Poirier et Nicole Tessier) ont formé leur propre groupe à sa suggestion.

Au début de la conférence, chacun des huit était à une table différente avec un groupe d’anglophones. « À la pause, j’ai dit à Jeanne : “ On va faire ça autrement. Réunis les francophones, on va se réunir dehors parce que je veux savoir quelles sont leurs réalités et s’il y a lieu de continuer cette réunion, cette conférence dispersés comme nous le sommes “ », raconte M. Casavant. Ainsi est né le Groupe Arc-en-ciel.

  1. Casavant avait baigné dans le milieu théâtral, ayant participé aux activités d’un petit théâtre d’été dans les années 1960. Il a quitté la pratique pour entrer au CAO, mais l’un de ses objectifs a toujours été de faire avancer le théâtre franco-ontarien, de l’aider à se distinguer des pièces classiques et québécoises.

Mais lors de cette réunion, M. Casavant se devait de rester discret, de ne pas trop montrer ses cartes ou d’avoir l’air de revendiquer, puisqu’il était un observateur du gouvernement. «Les actions que je vais faire doivent être assez discrètes. Mais mon but à moi, c’est d’avoir une association, éventuellement, qui va offrir des services d’animation» et de communication entre les théâtres. Un organisme qui rencontrerait les critères de financements du CAO.

À ce moment-là, très peu de compagnies de théâtre franco-ontariennes se qualifiaient pour des subventions. Or, comme agent du CAO, c’était la meilleure façon pour M. Casavant d’arriver à ses fins.

Il dit s’être battu pour obtenir des fonds et demander à Pierre Beaulne de produire un rapport. Ce rapport a souligné le retard des troupes de théâtre francophone par rapport aux anglophones et la « nécessité de créer un organisme de développement en vue de stimuler une activité théâtrale de langue française », écrivent Beddows et Mercier.

Une action dans la mouvance

En entrevue, Joël Beddows rappelle que Théâtre Action est né dans « un grand mouvement interventionniste sur le plan culturel et identitaire ». Il y avait eu le Rapport Saint-Denis, à la fin des années 1960, qui niait l’existence d’une culture franco-ontarienne distincte et avançait que les francophones de l’Ontario ne pourraient jamais s’émanciper du Québec.

Les actions et les rapports suivants ont activement contredit cette prémisse. Surtout face au repli des francophones du Québec sur eux-mêmes.

« Théâtre Action est devenu le lieu qui proposait les activités, de ce qu’on dirait aujourd’hui, de médiation-culturelle, qui faisait en sorte que cette idée de mettre au monde une identité et une culture pour l’accompagner, trouverait preneur permis la population générale. Ce qui est également important je dirais, c’est que dès le départ, Théâtre Action a adopté le principe de la décentralisation », argumente M. Beddows. Cette décentralisation était importante selon lui en raison de la répartition de la population francophone.

Ce mouvement identitaire du début des années 1970, rappelle Joël Beddows, est « contreculturel, contestataire, ça se positionne dans les actions contre une conception traditionnelle conservatrice religieuse de la culture canadienne-française, aussi contre le bilinguisme institutionnel ». TA ne s’identifie pas directement avec ces valeurs, mais baigne dans cette atmosphère et est parfois menée par des gens qui y adhèrent.

« C’était un projet étrangement bien réfléchi pour une gang de jeunes. Étrangement bien articulé pour des gens à peine formés » en théâtre, ajoute M. Beddows.

Richard Casavant considère également que les Éditions Prise de parole ont eu un grand rôle à jouer dans la création du théâtre franco-ontarien en publiant très tôt les textes de pièces. « Le théâtre, une fois que c’est dit, c’est dit. Ça ne reste pas nécessairement comme quelque chose qui est écrit. Bien heureusement que Prise de parole a publié les textes d’André Paiement dès le début. » Pour lui, théâtre et littérature s’entremêlent et s’entraident.

Naissance à Sudbury ?

La création de Théâtre Action est associée à Sudbury. La décision a effectivement été prise à l’Université de Sudbury au début mai 1972, lors d’un forum provincial organisé par le Groupe Arc-en-ciel.

« Théâtre Action regroupait, pour la première fois dans l’histoire du théâtre franco-ontarien, tous les gens qui s’occupaient directement ou indirectement du théâtre dans la province », a écrit Pierre Beaulne dans son rapport sur la rencontre.

Le nom Théâtre Action, dont Richard Casavant réclame la paternité, y a été utilisé pour la première fois. Mais pour lui, TA n’a pas nécessairement été créé à Sudbury. L’idée était née plusieurs mois plus tôt, ailleurs. Les actions pour mener à sa création avaient été faites en consultant plusieurs troupes de partout en province. La promulgation de sa création a eu lieu à Sudbury, quelques mois après la présentation de Moé j’viens du nord, s’tie!, mais aurait très bien pu avoir lieu ailleurs.