le Vendredi 11 octobre 2024

L’épuisement professionnel – le fameux burnout – représente à la fois un défi de santé et, dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre, un enjeu économique. Insidieux, il touche toutes les couches de la société. Les Torontois sont à risque, mais des ressources francophones existent.

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Camille Langlade – IJL – Réseau.Presse – l-express.ca

 En 2019, l’épuisement professionnel a fait son entrée dans la Classification internationale de maladies de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Pourtant, le burnout n’est pas reconnu comme une maladie mentale, mais comme un syndrome « résultant d’un stress professionnel chronique qui n’a pas été géré avec succès ». C’est un syndrome très courant… mais pas toujours reconnu.

Un problème qui coûte cher

Selon l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, qui rassemble la plupart des assureurs privés du pays, les problèmes de santé psychologique comptent maintenant pour environ 40 % des prestations d’invalidité (jusqu’à 60 % dans certains secteurs d’emploi). Et ces troubles constituent la première cause d’absence prolongée du travail.

« L’épuisement professionnel s’inscrit dans cette lignée », rapporte Marie-Ève Ayotte, gestionnaire en santé mentale au Centre francophone du Grand Toronto.

Crédit : courtoisie

Intense fatigue et perte de contrôle

« Tous les travailleurs peuvent être exposés «, observe Kathleen Patterson, thérapeute au Centre francophone du Grand Toronto. « Ce n’est pas quelque chose qui est facile à diagnostiquer. »

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Les symptômes de l’épuisement professionnel sont variés. « Les gens vont décrire une fatigue intense, une grande perte d’énergie qui peut être physique, mentale, ou émotionnelle. Ils vont avoir de la difficulté à gérer leurs émotions, ils vont se sentir envahis par les émotions », décrit Isabelle Bonsaint, psychologue clinicienne à la Clinique de psychothérapie francophone de Toronto.

Cette perte de contrôle peut s’accompagner d’une perte de confiance. « Ils ont l’impression de ne pas en faire assez, de ne pas être remercié ou récompensé », ajoute la spécialiste.

« La personne va commencer à vouloir s’absenter, se sentir démotivé, va avoir difficulté à respecter les délais de remise de projets ou de courriels à envoyer. Il va aussi y avoir un peu d’évitement et de procrastination », poursuit Isabelle Bonsaint.

« Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait »

« On a l’impression d’être dans le noir. » Après vingt ans dans un poste de leadership, Martyne Laurin a craqué. « Quand je suis passé à travers le burnout, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. »

Depuis, elle a décidé d’aider et d’accompagner celles et ceux qui traversent la même épreuve en devenant coach spécialisée et consultante.

« La descente vers le burnout est rapide. Cela peut prendre jusqu’à 6 mois. » Et jusqu’à deux années pour s’en remettre, voire beaucoup plus, affirme-t-elle.

Les francophones plus exposés ?

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, la pression peut en outre s’accentuer. « Le burnout impact négativement les organisations francophones », décrit Martyne Laurin.

La coach prend l’exemple d’une personne avec beaucoup d’années d’expertise qui quitte soudainement son emploi.

« On se ramasse soudainement sans ressource ou expertise pour former de nouveaux employés. Nous ne parvenons pas à remplacer le professionnel francophone en burnout puisque le bassin de candidat franco ou bilingue avec cette expertise est trop limité. »

Les francophones ne sont donc pas épargnés. « Quand on est une minorité, cela ajoute de la vulnérabilité », remarque Kathleen Patterson. D’où l’importance de pouvoir avoir accès à des soins et des services en santé mentale en langue française.

Toronto, une ville propice au burnout ?

« Les gens nouvellement arrivés au Canada doivent s’adapter, parfois dans des conditions précaires au niveau des finances et du logement. Cela peut causer du stress », constate la thérapeute du Centre francophone. Notamment dans les grands centres urbains.

« La ville de Toronto est propice à créer de l’épuisement professionnel, note Isabelle Bonsaint. Ce qui attire les gens ici, c’est souvent la carrière. Ils peuvent être déplacés pour obtenir un meilleur poste. »

Or, ces personnes débarquent dans une ville où ils n’ont souvent aucun réseau social.

« La sphère professionnelle devient la seule sphère de leur vie et cela cause un déséquilibre. Le travail prend toute la place et ils peuvent devenir plus vulnérables, plus à risque de développer un burnout », commente la psychologue.

Prévenir pour mieux guérir

Pour Martyne Laurin, il faut s’attaquer au problème en amont, non seulement sous un angle individuel, mais aussi (et surtout ?) collectif, en développant un environnement de travail sain où les individus peuvent s’épanouir.

« C’est à l’employeur d’offrir un soutien de travail qui soit sécuritaire, dans lequel il existe un climat de confiance, de communication, transparent… Et dans lequel parler de santé mentale n’est pas un sujet tabou », corrobore Aline Ayoub, présidente et fondatrice de Aline Ayoub Human Resource Consulting à Toronto.

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Au sein de son entreprise, Aline Ayoub aide les petites et moyennes entreprises à gérer leurs ressources humaines. Selon elle, mieux vaut agir en amont, sur le plan de la prévention.

« Il ne faut pas attendre qu’il soit trop tard pour aller chercher les ressources nécessaires, prévient la cheffe d’entreprise. Il faut encourager l’employeur à être aux aguets de signes précurseurs. »

Se fixer des objectifs plus réalistes, déléguer, prioriser les tâches, se poser des limites, prendre des pauses, se lever ou encore se changer les idées… Pour Kathleen Patterson, voilà autant de gestes qui peuvent réduire le risque d’épuisement professionnel.

Un sujet encore tabou

Mais pour Isabelle Bonsaint, les préjugés peuvent encore avoir la vie dure, surtout dans un centre financier comme Toronto.

« Pour un homme qui est très performant et compétitif, cela va prendre beaucoup de temps avant qu’il aille consulter un médecin pour dire “ je suis en épuisement professionnel ”. Il peut alors se tourner vers d’autres moyens pour gérer son stress, beaucoup moins sains, comme l’alcool », explique-t-elle.

« Malheureusement, il y a encore un sentiment de honte qui habite les gens qui ont cette maladie. La société n’est pas encore arrivée à un point où c’est correct d’être en burnout », déclare Aline Ayoub. « Mais cela fait partie de la vie et des problèmes de santé que n’importe qui peut avoir. »

Reste alors à briser le silence. « C’est important, surtout ces temps-ci, de faire comprendre aux gens qu’ils ne sont pas seuls », insiste Martyne Laurin. « Plus on va en parler, plus on va mettre les gens à l’aise et plus les gens peuvent rejoindre d’autres gens. »

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Le Français pour l’avenir, une association nationale née à Toronto, fête ses 25 ans. Mais sa mission reste plus que jamais d’actualité: promouvoir le bilinguisme auprès des élèves de la 7e à la 12e année au Canada, notamment chez les jeunes anglophones. Mission impossible? Pas vraiment.

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Camille Langlade – IJL – Réseau.Presse – l-express.ca

Fondée par le philosophe John Ralston Saul et la journaliste Lisa Balfour Bowen, l’association célébrait son quart de siècle d’activisme lors d’une soirée à Ottawa le 23 novembre.

Référendum traumatisant

À l’époque, le Canada sort du référendum québécois de 1995, où les citoyens ont dû se prononcer sur la souveraineté de la province.

C’est un événement qui a profondément marqué Lisa Balfour Bowen. « En tant qu’anglophone à Toronto, ayant été la première correspondante politique anglophone nommée à la Tribune de la presse de l’Assemblée nationale à Québec, j’avais vraiment peur que la province décide de se séparer. » L’ancienne journaliste décide alors d’agir, par amour pour son pays et pour la culture française, en participant à la création de Français pour l’avenir. « Je voulais faire quelque chose pour m’impliquer, dans une situation extrêmement dangereuse pour le Canada. »

Déclin francophone

25 ans plus tard, le combat pour le bilinguisme est plus que jamais d’actualité au Canada, estime Emeline Leurent, directrice générale du Français pour l’avenir.

« On a vu récemment avec les résultats du recensement de Statistiques Canada que le français est actuellement en déclin. Cela donne peut-être un contexte pas très joyeux, mais c’est aussi le signe qu’on a besoin d’organismes francophones pour maintenir cette dynamique du bilinguisme au Canada. »

Pour elle, la mission de Français pour l’avenir trouve précisément sa raison d’être dans un contexte où le français perd de son poids démographique.

18 % de bilingues, c’est peu

Pour Irvin Studin, président de l’Institute for 21st Century Questions, la situation doit changer, et vite.

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« À l’échelle du pays, on observe un bilinguisme total d’environ 18 %. Cela veut dire qu’on choisit nos ministres, nos juges fédéraux à partir de ces 18 %. » Un champ beaucoup trop restreint selon lui.

« Sans impulsion générale sur le plan politique, on ne pourra pas faire avancer cette barrière des 18 %. »

« Indispensable d’être bilingue »

Le bilinguisme reste non seulement indispensable dans un grand nombre de professions, mais il participe aussi à l’unité canadienne, rappelle Lisa Balfour Bowen.

« Les deux langues officielles sont à la base de la cohésion sociale canadienne et de sa diversité », corrobore Emeline Leurent.

« Cela permet d’avoir accès à des postes importants, souvent mieux payés. Énormément de métiers exigent le bilinguisme », complète la directrice.

Sans oublier ses bénéfices sur le plan cognitif. « Certaines études ont aussi montré que le bilinguisme pouvait être un frein à certaines maladies neurodégénératives comme l’Alzheimer. »

Le bilinguisme doit devenir « banal »

Irvin Studin va plus loin en érigeant le bilinguisme en « devoir », en prérequis indispensable à l’unité nationale.

Il prône « un bilinguisme généralisé à l’ensemble de la population, dans toutes les écoles et cursus scolaires. Sans quoi le pays risque de se dégénérer ou de tomber dans une impasse générale de méfiance et d’incompréhension générale. »

Selon lui, il faut en outre dépasser une certaine vision « surannée » du français. « On exotise la maîtrise de la langue. Depuis mon enfance, on parle toujours du bilinguisme comme un idéal, le parangon d’un Canadien bien éduqué… Mais il faut banaliser cette connaissance plutôt que de l’exotiser. Que le fait d’être bilingue devienne un standard plutôt qu’un exemple d’excellence intellectuelle ou de culture. »

L’ancien professeur milite même pour l’apprentissage de trois langues.

Sortir le français de l’école

Mais Emeline Leurent en a conscience, l’apprentissage du français comme langue étrangère ne dépasse pas souvent les bancs de l’école.

« Certains élèves arrêtent après la 9e année. Leur niveau de français est bon, mais du moment où ils n’ont plus ce lien avec la langue, ils perdent cette capacité langagière quand ils arrivent sur le marché du travail. »

L’objectif de Français pour l’avenir est d’ailleurs d’intéresser les jeunes dans leur propre vie quotidienne. « On essaie de leur montrer que le français existe en dehors de l’école, qu’il leur donne un accès à des bénéfices sociaux, culturels et professionnels. Le français, c’est le véhicule d’une culture qui est bien vivante. »

Car parler français, c’est aussi communiquer et pouvoir échanger avec les autres francophones aux quatre coins du Canada, notamment au sein des communautés en contexte minoritaire, commente Emeline Leurent.

Photo : courtoisie Le Français pour l’avenir

« L’apprentissage d’une langue n’est pas une fin en soit. On apprend une langue pour communiquer, pour découvrir une culture. »

Photo : Karolina Dobiszewska, courtoisie Le Français pour l’avenir

Forum à Glendon le 7 décembre

Le Français pour l’avenir organise le 7 décembre 2022 un forum local sur le campus Glendon de l’Université York, à Toronto. Ce sera l’occasion pour les élèves francophones et francophiles des écoles de la région du Grand Toronto de se rencontrer et d’échanger, en français.

Photo principale : courtoisie Le Français pour l’avenir